Le fait d'avoir vu ce film donne le sentiment d'être passé sous un rouleau-compresseur tellement le montage paraît constamment frénétique et sans pitié pour la rétine. Et pourtant, le début est largement compréhensible, mais plus ça va, plus l'enchaînement devient vif et rapide, mais bizarrement, jamais au détriment du sens de l'ensemble, ce qui fait qu'on n'est jamais totalement largué non plus. Ce qui serait dommage tant on comprend rapidement l'intérêt de ce film, véritable hommage et retour aux sources de ce qui constitue le WXP fantastique. Mais loin d'en être la copie conforme d'un genre largement parcouru sous toutes ses coupures, Zu constitue également un renouveau en proposant une oeuvre à la limite de l'abstraction tant esthétique que narrative en retraçant une ancestrale confrontation entre le Bien et le Mal en grosses majuscules dénuée de tout contexte, ou presque.


Et le comble c'est que ça fonctionne plutôt bien même s'il faut s'avouer relativement rapidement vaincu suite à un montage bien nerveux qui débite sfx sur sfx en dépit du bon sens, même s'il s'agissait d'une bonne idée que d'avoir figuré les différentes armées du début par des couleurs pour les distinguer au lieu de les nommer ou de les identifier en fonction d'un groupe bien défini. Une idée d'ailleurs bien exploitée au nom d'une réflexion certes légère mais qui constitue le coeur et l'âme du film, portant sur la vanité humaine de croire qu'on peut régler tous les conflits humains individuellement alors que seule une union (symboliquement et physiquement digérée à la fin) peut sauver le monde. On retrouve bien évidemment la naïveté de Tsui Hark dans cet arc essentiel de l'histoire (ainsi que son ironie face aux puissances autant humaines qu'héroïques incapables de régler des conflits bien simples, dixit les deux chefs de guerre qui ne s'entendent pas sur la manière de mener un assaut sur leurs adversaires), un prérequis qu'il faudra d'ailleurs prolonger jusque dans les effets pyrotechniques et chorégraphiques de tous genres tant tout est fait pour passer brusquement dans une autre dimension sans crier gare, celle de la fantasy, où il est vain d'expliquer ce qu'il s'y passe en détails.


Bref, vous l'aurez compris, ce film peut sembler hermétique à plusieurs égards, et vous aurez raison de le croire, mais il se dote aussi d'une esthétique, certes difficile à décoder tant tout va vite, simplement vivifiante et étonnante tant le moindre petit moyen est au service d'une vision qui m'a paru épique et dantesque. Encore une fois, plus largement, Zu constituera tout simplement la base et la renaissance d'un genre dont le potentiel créatif explosera tout bonnement avec Green Snake (bien qu'on renouera ici avec un conte bien connu de tous les amateurs d'histoires chinoises, ce qui aide pour suivre, tout le contraire de Zu qui est un remaniement assez original, du moins en termes de radicalité dans son traitement). Mais le fait est que Tsui Hark ne se répète pas vraiment au sein de sa filmographie, et donc on retrouve ici des effets qu'on ne reverra jamais par la suite (du moins chez lui), tels ceux qui régissent l'antique Longs Sourcils, et surtout les lumineuses attaques sur fond obscur qui ponctuent régulièrement cette oeuvre qui offrent, encore une fois, un spectacle baroque se déroulant à cent à l'heure, autant opaque que fascinant. Du coup, le final m'a semblé un poil précipité (un euphémisme) et aurait pu être plus puissant en termes émotionnels, surtout lorsqu'on connait les forces iconiques en présence (aussi kitsch soient-elles de temps à autre tant elles compensent en panache par ailleurs). Les mots de la fin : éreintant, mystique et déroutant.

Arnaud_Mercadie
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le 14 avr. 2017

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Dun

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