Son sujet a beau être étouffant, il est fort regrettable que Zulu ne daigne pas respirer davantage : car en adaptant le roman homonyme de Caryl Férey, Jérôme Salle nous conviait au sein d’un Cap hanté d’une myriade de démons, le spectre tenace de l’apartheid habillant une ambiance à couteaux tirés.
Or, Zulu file à toute allure sans jamais accorder à son sujet l’importance qu’il mérite, ou tout du moins le fait-il à la hâte : le survol d’un pan historique réduit au ressort thématique abonde en ce sens, mais il ne s’agit pas pour autant du plus grand écueil à l’œuvre. L’étiquette polar de l’intrigue souffre en ce sens de cet empressement palpable, au point de sacrifier toute ébauche de contexte : l’unité du trio Ali/Brian/Dan en est l’exemple le plus parlant, la narration étant bien en peine de nous faire adhérer entièrement à leur devenir.
Si elle n’est pas déplaisante, la mise en scène de Jérôme Salle démultiplie sacrément cette impression de rush permanent, bien épaulé par un montage à la machette : tel un crescendo à bout de souffle car précoce comme pas deux, l’épisode morbide de la plage se voit fort justement suspendu à une atmosphère presque irréelle, la soudaineté de l’acte nous laissant pantois tant il choque tout en manquant le coche.
Passionné, sans fioritures et sciemment jusqu’au-boutiste, Zulu sacrifie donc le subtil au profit d’une approche frontale, le suffocant régissant une enquête ayant tôt fait de virer à la vendetta pure et dure : sans d’ailleurs révolutionner le genre, ce qu’aurait peut-être permis un meilleur équilibre entre le thriller factuel et l’héritage spirituel, le long-métrage doit bel et bien son salut à un panache évident et l’apport d’un casting détonnant, le contre-emploi d’Orlando Bloom survolant à juste titres les débats.
Le paradoxe guette néanmoins, tant la dépendance de Zulu à ses propres élans brutaux sape dans le même temps ses quelques bonnes idées d’écriture : le développement de ses protagonistes phares est en ce sens des plus abruptes, à l’image de la « renaissance » finale d’un Brian orphelin de ses comparses. Une énergie à double-tranchant en quelque sorte, tandis que le tortueux Ali méritait certainement davantage de doigté : mais là encore, le fragile équilibre que tisse le film fonctionne de son mieux.
Zulu nous laisse donc mi-figue mi-raisin, son potentiel remuant s’en tenant à de brefs coups d’éclats plus ou moins bien sentis, un habillage formel comme musical (Alexandre Desplat) passe-partout et des gueules surnageant envers et contre tout.