Critique / Cannes : ZULU (par Cineshow.fr)
Depuis qu’il s’est attaqué à Largo Winch en 2008, Jérôme Salle n’a eu de cesse de construire ses longs-métrages à la manière des thrillers / films d’action américain. Intention franchement louable qui s’était même retrouvée exacerbée lors de l’arrivée de Sharon Stone sur le tournage du second opus. Tournages en anglais, séquences d’action régulières, décors nombreux et exotiques bref, l’attirail des productions venant d’outre atlantique. Dans les faits, ses deux Largo Winch se situaient dans la moyenne supérieure du genre, offrant des spectacles franchement divertissants, haletants et bien produits malgré quelques erreurs et autre soucis les empêchant de devenir de véritables références. Alors lorsque le réalisateur qui s’était fait connaitre avec le film Anthony Zimmer (lequel fut remaké pour donner The Tourist) se lança dans le projet Zulu, adaptation directe du polar multi-primé de Caryl Férey, on ne pouvait que se montrer enthousiaste d’autant que rapidement, les noms de Forest Whitaker et d’Orlando Bloom (qui s’offre une sorte de retour au cinéma) y furent associés.
L’histoire de Zulu reprend les motifs classiques du polar avec une chasse au meurtrier par deux policiers n’ayant pas grand-chose en commun si ce n’est leur intégrité. Mais loin des décors urbains et poisseux que l’on associe souvent au genre, Zulu se déroule en plein cœur de l’Afrique du Sud encore hantée par les stigmates de l’Apartheid. Là-bas, une nouvelle drogue, le TIK, fait des ravages poussant certains consommateurs à des comportements d’une violence extrême, pouvant aller jusqu’au meurtre. L’enquête est posée, notre duo de flics devra alors enquêter sur le massacre d’une jeune adolescente. Du roman de Caryl Férey, la grande majorité des éléments alimentant l’intrigue ont été conservés. Toujours très noir et affichant une violence crue et frontale, Zulu ne cherche jamais le consensus en peignant avec un réalisme assumé le quotidien des deux flics. L’un (Whitaker) porte le poids d’un drame personnel, l’autre (Bloom) est une sorte de casse-cou pseudo-suicidaire ne reculant jamais devant une manœuvre improbable voire cinglée. Chacun à leur manière et part leurs actes sont une représentation des deux camps de l’apartheid. L’un a choisi de pardonner, de tirer un trait quand bien même il fut l’un des premiers concerné, l’autre est nourri par la revanche personnelle et la soif de contribuer à un monde plus juste, quand bien même cela ne passerait pas des actions peu pacifistes.
Dans ces rôles, les deux acteurs se complètent même si Orlando Bloom tire sans mal son épingle du jeu. En apportant une prestation à contre-emploi des rôles d’homme purs qu’on lui connait traditionnellement (Pirates des Caraïbes, Le Seigneur des Anneaux), il surprend à chacune de ses interventions là où Whitaker sans être mauvais reste dans son registre habituel. Il semble même aller chercher du côté du jeu de Denzel Washington, multipliant les regards vides ou désabusé de l’homme que la vie a réussi à détruire de l’intérieur. Pourtant, malgré le charisme que les deux hommes déploient et le registre franchement convaincant du film que l’on doit au roman, Zulu version cinéma n’arrive pas à convaincre totalement. En dépit d’une volonté claire et nette de proposer un récit aux accents de films comme Training Day, le long-métrage de Jérôme Salle pèche à de trop nombreux moments de soucis techniques pour que l’on se laisse emporter. Le début du film est d’ailleurs assez symptomatique par son montage très cut et peu fluide. Les scènes s’enchaînent sans véritable cohérence de sorte à ce que l’emprise et l’immersion dans l’histoire se révèle relativement complexe. Multiplication des personnages, développement pas toujours limpide du passé des flics, autant de zone grippantes qui maintiennent la distance avec le récit et qui imposeront d’attendre la seconde moitié de Zulu pour s’y trouver vraiment immergé.
Car une fois que Jérôme Salle dispose de ses pivots pour dérouler son histoire, Zulu se montre particulièrement efficace, sorte de tourbillon noir à l’issue forcément surprenante mais peu réjouissante. N’hésitant jamais à assumer l’escalade de la violence et à la retranscrire telle quelle à l’écran, sans complaisance mais sans adoucissement non plus, le réalisateur offre un final de polar à la raisonnante politique et économique qui n’a pas grand-chose à envier aux meilleurs films US. Il se montre d’ailleurs particulièrement inspiré dans une fantastique séquence finale, transcendée par une photographie exemplaire de Denis Rouden, montrant le personnage d’Ali (Whitaker) dans une course poursuite jusqu’au bouliste à travers les dunes africaines. Tant sur le plan visuel que sur le fond, cette conclusion de Zulu se montre impressionnante, un point final qui ne fera qu’accentuer le regret d’une première moitié laborieuse. C’est une œuvre inégale mais qui témoigne d’une envie sincère de faire quelque chose de grand. Zulu dispose des mêmes atouts et des mêmes défauts que les deux Largo Winch, un manque de technicité et de limpidité pour totalement y adhérer mais une nouvelle fois, découvrir une telle proposition dans le paysage audiovisuelle français ne peut que faire du bien.