Un film français qui fait très "décennie 1960s", avec son noir et blanc élégant, son scénario très léger, son héros très primesautier, mais aussi ses surprises non-négligeables. Dans un tout premier temps, on pense à des marivaudages très stéréotypés, on nous fait rapidement comprendre que Jacques Charrier est du genre volage et qu'il saute de femme en femme en promettant à chacune amour et sincérité (j'imagine l'ambiance si on inversait les rôles masculins et féminins...), et c'est à ce titre qu'on voit défiler les figures de Mylène Demongeot, Juliette Mayniel, Odile Versois, et Marie Laforêt. Dans un second temps, une première vraie / fausse péripétie : alors qu'il est en voiture avec une fille, la police l'arrête, on l'accuse du meurtre d'un homme dans les environs des lieux où il avait passé la soirée (une teuf bourgeoise). Ici encore, dans ce temps-là, la tonalité est très légère, on l'accuse de quelque chose de grave mais il reste une personnage au-dessus de tout, il conserve une distance absolument pas réaliste, il s'enfuit, il enquête (avec l'aide de deux de ses amantes mettant en pause leur jalousie pour l'occasion), etc. Mais de cette coquille de comédie romantique superficielle émergera un aspect un peu étonnant.
Dans sa fuite, il est soutenu par un duo formé par Helmut Griem et Jill Haworth, et sans trop de surprise il tombe sous le charme de cette énième potentielle conquête féminine... sauf que pour une fois, la chose n'est pas réciproque. Cet événement qui ébranle son être marque le début de la fin de sa désinvolture, et en quelque sorte aussi de celle du film. Il passe du statut de bourreau des cœurs à celui de pauvre homme esseulé en un éclair. Mais en réalité tous les points névralgiques du scénario sont traités de la sorte, avec un côté sommaire aussi évident qu'assumé — il n'y a qu'à repenser à l'accusation, l'escapade, l'enquête... Et bien plus que l'identité du coupable, c'est le terrible malheur (et sa progression) frappant le protagoniste qui occupe le centre du récit, blessé dans son ego, lui qui semble connaître pour la première fois de sa vie une absence de convoitise en retour dans les yeux d'une femme. Et dans ce malheur, son humanité qui revient. Il faudra attendre la toute fin pour comprendre la référence du titre (un poème de Paul Verlaine), dans un encart aussi minimaliste que l'intrigue. Imaginer qu'on a aux manettes de cette fable légère le réalisateur de "La Maladie de Sachs" ou encore "Le Dossier 51" : impossible.