En s'attaquant à l'adaptation d'A History of Violence, Cronenberg fait évoluer son cinéma tout en continuant d'aborder des thèmes qui lui sont chers, à commencer par la dualité chez l'homme ou encore la propagation du mal, ici la violence.
Il s'intéresse à ce qui semble être un bon père de famille vivant un mariage heureux et élevant tranquillement ses deux enfants. D'ailleurs, une fois passé le plan-séquence d'introduction, les premières scènes vont dans ce sens où il prend son temps pour mettre en place le contexte du récit et surtout de cet homme. Pourtant, la violence va peu à peu intervenir et se placer au cœur du récit, que ce soit chez le fils mais surtout l'élément déclencheur qui va mettre le doute sur sa personne. Assez vite, Cronenberg retranscrit cette ambiguïté, notamment via la première rencontre avec les mafieux dans le petit restaurant, pour ne faire que l'accentuer plus on avancera dans le récit.
La violence s'installe véritablement au cœur de l'action pendant que Cronenberg va mettre en avant la possible double vie de cet homme, s'intéressant à la façon dont il cherche à repousser la bête qui est en lui pour continuer à vivre des jours calmes et heureux avec sa famille. À travers ce passionnant, attachant et troublant portrait humain, il met aussi en avant la propagation de la violence, comme il le faisait avec les parasites dans Frissons ainsi que la rédemption. Il joue sur plusieurs tableaux, avec une dramaturgie présente et le canadien se montre brillant pour mettre en avant la détresse psychologique des protagonistes, trouvant toujours le bon équilibre entre tous les tons qu'il aborde, même si ce n'est que partiellement, ainsi que les réflexions et l'ambiance de plus en plus ambiguë et sombre voire même fascinante, impossible de décoller l’œil de l'écran.
A History of Violence brille par la mise en scène fiévreuse et subtile du réalisateur de La Mouche, avec l'impression de recevoir un uppercut sur le visage. Il se montre brillant techniquement, privilégiant une économie de plan mais tous parfaits et adéquats à l'ambiance tandis qu'il ne tombe jamais dans un quelconque excès, sachant aller à l'essentiel sans aucun écart. Le montage aussi est efficace et allant toujours dans le sens de l'oeuvre, de la mise en scène du canadien et des thématiques qu'il aborde. Devant la caméra, Viggo Mortensen trouve un rôle sur mesure et retranscrit la dualité et les combats intérieurs de son personnage, tandis que les seconds rôles sont tous impeccables, que ce soit Ed Harris, Maria Bello ou WIlliam Hurt.
C'est tout simplement un uppercut en pleine face que propose David Cronenberg avec A History of Violence, livrant l'une de ses œuvres les plus brillantes et abordant avec ambiguïté et noirceur la violence et la dualité humaine tout en tenant en haleine de bout en bout.