Véritable premier film de Powell. Déjà un somptueux petit bijou. Pressburger n'est pas encore dans ses parages qu'un souffle d'amour pour ces personnages humains est d'ores et déjà présent et donne à tout le film une respiration peu commune.

Le sujet se prête à ses élans. On assiste par un flash-back ingénieux - lequel nous permet par la même occasion de découvrir notre Powell adoré avec sa Frankie de femme - aux dernières heures d'une île. Ses habitants beaucoup trop isolés se voient obligés de la quitter. Tiré d'un évènement réel - l'évacuation de l'île de St Kilda en 1930 - le scénario de Powell romance sans excès un récit autour de cette inexorable issue. Il raconte l'histoire d'amour d'un couple qui pourrait être maudit. Lui lors d'une course folle dans laquelle se jouait le destin de la population voit mourir son meilleurs ami et frère de sa fiancée. Et avec lui la sympathie et l'assentiment du beau-père.

Ce canevas faussement romantique laisse une très large place à une sorte de faux documentaire sur la vie quotidienne de cette population. Le portrait collectif ne verse jamais dans le trop folklorique ni dans le réalisme à tout crin. A l'image de "A canterbury tale" ou de "I Know where I'm going", le film propose un voyage aimable au sein de gens sympathiques et ballotés par des évènements que la nature - rude, ici- peine à dépassionner. Bien au contraire, elle est image, reflet des errements humains.
On the edge of the world, effectivement, au bord du monde, tout comme cette falaise escarpée, majestueuse, dégageant une puissance extraordinaire, trop puissante pour les hommes, au bord du précipice de leurs propres vies, les gens que nous présente Powell sont confrontés à leur propre nature. Celui-ci ne peut s'imaginer quitter l'île, celui-là ne peut plus supporter l'exiguité des lieux et le visage douloureux du père en deuil. Une île on passe son temps à la quitter ou à y accoster. Et difficile de ne lui donner qu'un sens. En abordant cet aspect identitaire du lieu de vie, Powell interroge le spectateur et les liens qu'il tisse avec son environnement, sa culture, sa vie tout entière. Il se dégage de ce périple un arrachement, une émotion que les acteurs portent sur leur visages et leurs postures, en même temps que les paysages sauvages ou à moitié domestiqués expriment tout aussi bien. Powell s'en donne à coeur joie. Les angles de vues, les cadrages sont jubilatoires; le montage est virevoltant et assure à la contemplation un rythme qui sauve de la paresseuse et oisive observation.

Film émotion. Histoire passionnante. Paysages magnifiques et réalisation époustouflante.
Alligator
8
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le 19 janv. 2013

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