Une histoire policière. Mais avec un aveugle. Sinon c'est pareil.

We-are-producteurs : un site lancé par Europacorp, et plus singulièrement par Luc Besson, au début des années 2010. Il avait pour objectif de proposer aux internautes d'investir dans un projet qu'ils pourraient suivre, et même déterminer des choix importants comme choisir l'histoire, les acteurs etc. "Faire un film ensemble", comme disait le slogan de mémoire. A priori, c'était une très belle idée. J'ai toujours pensé que l'avis le plus important qui soit sur une œuvre est toujours celui du public, et si on peut le laisser s'exprimer sur ses envies à propos de ce qu'il veut voir à l'écran, moi je dis "Vive la technologie moderne !". Seulement voilà... C'était Europacorp qui était derrière. Le studio fast-food français, dont les mètres étalons se nomment "Taken", "Le Transporteur" et "Taxi" (je veux qu'on m'explique comment Taxi 2 a réussi à atteindre les 10 millions, je n'y comprend rien !!!). Autant j'ai du respect pour Besson en tant que réalisateur (en tant qu'artiste, comme beaucoup, je me suis arrêté au "5ème élément"), autant le producteur, malgré sa complexité déconcertante, me laisse méfiant. Et pourtant, à l'époque, mon père et moi y avions participé. Mais comme beaucoup d'autres, on a suivi de loin : on a passé un peu d'oseille, on a voté pour le scénario et les acteurs, et ça s'est arrêté là. Et on a bien fait. Quand j'ai su qu'Eric Besnard, le réalisateur de "400 kilos d'or pur" (sic), allait écrire le scénario, j'avais compris que ça allait être naze. Et j'avais 12 ans. Les autres internautes aussi ont senti le coup venir... Ça s'est enlisé, et l'aventure s'est transformée en mésaventure. Autant au niveau financier qu'au niveau humain. Mais que ceux qui ont vu leur investissement trahi se consolent : d'une façon ou d'une autre, la Vie nous venge. Papa Besson est actuellement dans la merde, et il pourra dire tout ce qu'il veut, son MacDo n'en a plus pour très longtemps.
Le film en lui-même... Pas fou, je l'ai emprunté. Rien que l'affiche pue la mouche. Mais ça m'intriguait: j'ai lu le scénario à l'époque, du haut de mes 12 ans, j'étais curieux de voir si je retrouvais certains passages que j'avais lu à l'époque, surtout pour tester ma mémoire. Donc j'ai pas Alzheimer, mais là n'est pas la question ! La question, c'est que le film est moins pire que ce que je croyais. Pas à cause du scénario, là y'a rien à sauver, c'est incroyable. Dans le studio, ça a dû se passer comme ça :
- Alors voilà... Y'a une histoire de meurtres sanglants perpétrés, un flic rongé par un drame personnel, des méchants terroristes qui font que des vilains traumatismes...
- Non mais Luc, on l'a déjà fait y'a deux mois...
-... mais le méchant, c'est un AVEUGLE, attention !
- Ah mais ça change TOUT !
Sérieux, c'est cette idée qui a été voté en majorité ? ...
En tout cas, je n'ai été nullement étonné : c'est du rang de débutant. Grosses ficelles, dialogues improbables (je retiens l'ultra sexiste Désolé, c'est comme ça: les femmes modernes n'en font qu'à leur tête, faut s'y faire ; va te faire foutre Besnard, sérieux), suspens flingué au bout de 30 minutes (sur 1 h 25...), du déjà-vu de partout, des personnages inutiles, une conclusion sans surprise... Tout n'est pas à jeter cependant : le fils du commissaire est gay, et une scène nous présente son copain. Qui se comporte parfaitement normalement, comme un hétéro. Mine de rien, c'est très rare dans le cinéma français, malheureusement... Y'a qu'à voir "Alibi.com", où ils représentent les gays comme des mecs qui se baladent le cul à l'air dans leur cuisine. Dans "A l'aveugle", c'est un perso comme un autre. Inutile, certes, mais normal, donc c'est cool. Néanmoins, ça change pas le fait que les personnages du film ont autant d'épaisseur psychologique qu'un sandwich SNCF.
Là où le film m'a surpris, là où il a réussi à m'embarquer malgré son histoire qui me paraissait ahurissante d'amateurisme (et encore, d'après une internaute, ils se sont ligués contre Europacorp pour éviter le ridicule d'une fin qui, apparemment, était encore pire...), c'est la réalisation. Je souhaite à Xavier Palud de persévérer, pour des projets autrement plus ambitieux, car il a réussi à rendre intéressant un sujet pestilent en y insufflant une atmosphère vraiment prenante, et techniquement irréprochable. Bon, certes, la musique quasi-constante, autre gros cliché de thriller, était tout à fait dispensable. Mais les choix de cadrage, la photographie ou la direction d'acteurs sont remarquables. D'ailleurs, le duo. De 1 : pourquoi Gamblin et Wilson, acteurs de renom quand même, ont accepté de tourner dans un film Europacorp, au script indiscutablement piètre ? De 2: duo remarquable. Gamblin est purement et simplement méconnaissable. Wilson, bien que son infirmité visuelle le relaie dans un rôle plus distancé, tire vraiment son épingle du jeu (à savoir, il était dépressif quand il a tourné le film). Bon, c'est un peu triste que dans son sondage SensCritique, ce soit "A l'aveugle" son film n°1... Il vaut mieux que ça, quand même ! L'alchimie entre les deux comédiens, en tout cas, fonctionne.
Au final, le film s'avère très très moyen, certes, mais c'est pas un navet non plus. Une mésaventure qui a été bien filmée, telle est littéralement la résolution de toute cette histoire.