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À l'ouest, rien de nouveau – Le film de Milestone

C'est en continuant à observer, cette fois le film tiré du roman de Remarque, avec les yeux écarquillés et révoltés de mon petit Simon Chalumot, le héros d'Allons z'enfants, que je vais aborder cette critique.

"Il suivit le film avec une curiosité enthousiaste, découvrant non sans surprise de judicieux arguments à l'appui de son aversion croissante pour l'armée, la guerre et les foireuses théories patriotiques.

- C'est un film comme çui-là que je tâcherai de faire plus tard, dit-il à son cousin."

Alors que je connaissais le roman de Remarque depuis longtemps, je n'ai vu le film de Milestone que bien plus tard à la télévision. Inutile de dire que ce fut un grand jour, très attendu … D'ailleurs j'ai toujours conservé une petite tendresse pour ce cinéaste hollywoodien même s'il n'est pas le plus renommé. Signalons quand même qu'il a réalisé "Arc de triomphe" (avec Ingrid Bergman !) adapté d'un autre roman éponyme de Remarque. Et par ailleurs, aussi, une version des "révoltés du Bounty" et un autre film de guerre "la gloire et la peur".

En préliminaire au film, Milestone précise :

This story is neither an accusation nor a confession and least of all, an adventure for death is not an adventure to those who stand face to face with it.

Ce qui est intéressant, c'est de voir le processus utilisé par Milestone pour transcrire le texte à travers des images et surtout pour démarrer le film.

Le roman est écrit à la première personne (Paul Baümer raconte) et démarre directement dans la fameuse scène de la double ration, la moitié de la compagnie ayant été tuée. Le passé n'est plus qu'un lointain souvenir et n'apparait qu'à travers des réminiscences, des flash-backs.

Le film est construit différemment et utilise l'ordre chronologique plus aisé pour comprendre. De plus, le film se positionne en observateur et Paul Baümer est un personnage parmi les autres. Le film démarre ainsi en fanfare avec les soldats qui défilent devant une foule en liesse pour basculer dans une salle de classe où le professeur Kantorek exhorte les élèves. D'abord, la voix est couverte par le tumulte de la rue qui s'efface progressivement pour laisser parler Kantorek de façon de plus en plus martiale. Et la caméra très mobile passe d'un visage d'élève à l'autre avec de nombreuses expressions qui vont de la fierté à l'inquiétude, du doute à l'exaltation. De retour dans les familles, les mères sont catastrophées alors que les pères pètent de fierté. Le clou du spectacle est la phrase au tableau censée être une référence latine :

"Il est doux et honorable de mourir pour la patrie"

On sent qu'en 1930, on utilise encore beaucoup les techniques du muet dans l'expressivité – silencieuse – des personnages.

Mais les scènes de guerre sont filmées avec un réalisme qui reste, même aujourd'hui, d'une grande efficacité. Par exemple, ces scènes d'attente où la caméra longe en un long travelling la tranchée avec les soldats immobiles à leur poste dans un vacarme de bombes sifflantes, de coups de feu. Ou au contraire ces scènes où la caméra en plongée suit les soldats dans leur assaut alternant avec la scène fixe de ceux qui les attendent pour les flinguer. On ressent devant ces images la banalité de ces gestes devenus machinaux "je tue avant d'être tué" mais aussi la vanité de ces assauts voués quasi systématiquement à l'échec. Et si l'assaut réussit, on voit la caméra en contre-plongée, dans la position du soldat qui voit sa tranchée submergée par l'assaillant. Réaliste et convaincant.

Et que dire de la scène terrible où Paul poignarde un français réfugié dans un entonnoir dans une ambiance de bombardements et de mitraille incessants. Réflexe de peur. Puis il doit supporter ses gémissements puis finit par regretter son geste puis tente de se justifier sans y parvenir. L'homme face à la mort ou l'homme instrument de la mort. C'est une chose de tuer un homme qu'on ne voit pas ou qui est au loin ou dans un réflexe de survie (si c'est pas lui, c'est moi). C'en est une autre de tuer puis de voir l'homme agoniser lentement à côté de soi et de mesurer qu'on a tué quelqu'un finalement de très semblable à soi. À elle seule, cette scène suffirait à montrer l'absurdité de la guerre …

Une remarquable scène, qui n'existe pas dans le roman, montre Paul, lors d'une permission, dans la salle de classe avec le professeur Kantorek où il ne peut s'empêcher de montrer son écœurement face à ces gens qui parlent si aisément de la guerre et de l'héroïsme mais qui restent bien au chaud à l'arrière. Belle trouvaille du cinéaste.

Il reprend la formule de Kantorek et la modifie

"C'est sale et douloureux de mourir pour son pays"

Le film connut un immense succès dans le monde. Sauf en Allemagne, où quelques semaines après sa sortie, il fut interdit.

Il existe au moins deux remakes de ce film mais je ne les connais pas. Peut-être un jour, si j'ai le temps, si ça se présente. Par curiosité parce que devant le grand film de Milestone, je crains la désillusion …


JeanG55
9

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le 3 mai 2024

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JeanG55

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