À la merveille par Remy Pignatiello
Incomplet. Imparfait. Inabouti. To The Wonder peut se voir un prolongement de The Tree of Life, reprenant notamment ses visuels, ses méthodes de mises en scène, ses cadrages à fleur de peau.
Cependant, il manque au film ce qui permettait à The Tree of Life de fonctionner : un courant pour le faire avancer, peu importe les détours du montage, qui faisaient sens et n'empêchaient jamais le récit de continuer de se dérouler.
The Tree of Life était une rivière, tortueuse mais avec son courant. Ici, le montage fonctionne plus par à-coups, par succession de vignettes interrompues par un montage semblant maladroit, et qui ne fait que ressortir l'absence de véritable moteur narratif. Evidemment, je n'attends pas de To The Wonder un film narrativement balisé, bien carré et structuré. Mais le manque constant de motivation finit par lasser, surtout en 2e moitié de film. On saute d'un endroit à un autre, d'une femme à une autre, avec ces personnages ne dépassant que trop rarement l'esquisse, mais toujours en mouvements, à pied, en voiture, en train, en métro, en avion. Les sentiments vont et viennent, les lieux s'alternent, les rideaux passent de blanc à noir, et les étendues d'eaux au départ sans limite deviennent étroites et empoisonnées. Certes, mais où vont donc ces personnages ? Pourquoi brassent-ils tant de vide ?
Parce qu'ils s'ennuient, parce que l'ennui d'Affleck attire le désintérêt, l'attise, et ce désintérêt finit par être le nôtre. Difficile de saisir les émotions, de capter la tendresse qui est offerte, de s'ouvrir, tout cela finit par devenir froid, distant, refermé sur soi-même. Par-dessus ce couple se greffent quelques passages sur le boulot d'Affleck, des réactions d'habitants d'une zone polluée (et donc, dont la beauté a été corrompue), et des interventions de Javier Bardem, mais c'est tellement épars qu'on se demande pourquoi ne pas les avoir carrément complètement éliminés. C'est d'autant plus dommage qu'ils soient présents sous leur forme actuelle, car ils sont frustrants, tant ils auraient pu apporter un plus notable permettant d'élargir les thématiques du film à autre chose que ces 3 personnages principaux. C'est probablement la plus grosse déception du film, car en l'état, il n'en subsiste plus que quelques minutes, qui le plus souvent consistent à montrer un prêtre qui doute mais répète jusqu'à plus soif que Dieu est partout / en nous / autour de nous / près de nous / nous / ...
Rarement face-à-face, tournant l'un autour de l'autre dans des mouvements souvent commencés, rarement finis, les personnages errent plus qu'ils n'existent, ce qui pourrait fonctionner si tout cela ne finissait pas par laisser à une distance poliment ennuyeuse toute création d'émotion, d'autant plus que les questionnements existentiels de Malick n'ont rarement été écrits avec une telle naïveté quasi puérile (le monologue de Bardem en fin de film est quasi involontairement hilarant, mais surtout presque insupportable). C'est dommage car visuellement et thématiquement, To The Wonder aurait pu être grand, très grand, autant au moins que Le nouveau monde ou The Tree of Life. Il est évident que visuellement, le film est invariablement supérieur à 95% des productions actuelles, et que la très grande majeure partie du film pourrait être tiré en poster tant c'est magnifique.
Pour autant, le film est d'une beauté absolue qui compense en partie son manque de liant, notamment la 1ere moitié du film, d'une grâce folle, et qui fonctionne parfaitement comme un prolongement de The Tree of Life.
Le problème, c'est que cette 1ere partie s'arrête avec le départ des filles, et l'arrivée soudaine de Rachel McAdams, le tout centré sur Ben Affleck. C'est une cassure nette qui stoppe complètement le film dans son élan, et brise la dynamique narrative entre Kurylenko et Affleck, ainsi que la montée progressive des éléments de dissension du couple. Soudainement, c'en est trop, alors elles s'en vont, et voilà...
Pour autant, le film reste d'une grande légèreté et d'une grande fluidité, la beauté et la fluidité des sensations prenant le dessus sur les gros problèmes de structure. C'est juste magnifique, une évocation de la beauté en elle-même, que ce soit celle de la nature, des gens ou des sentiments.