Avec À travers l’orage, D.W. Griffith s’éloigne de la fresque historique pour livrer l’un de ses films les plus humains et les plus bouleversants. Après les colosses que furent Naissance d’une Nation et Intolérance, il adapte ici un mélodrame intimiste, et signe peut-être son œuvre la plus sincère.
Griffith raconte l’histoire d’une femme rejetée, victime des conventions morales et du regard des autres. Mais derrière cette trame simple, le cinéaste déploie tout son génie : sa science du montage, sa maîtrise du rythme et son sens du cadre transforment chaque émotion en pur cinéma. Rien n’est forcé, rien n’est théâtral, il filme la douleur, la honte, la dignité, avec une modernité étonnante pour l’époque.
Lillian Gish, muse et miracle du film, irradie littéralement l’écran. Son jeu, d’une intensité rare, donne au personnage toute sa profondeur tragique. Elle incarne à elle seule la force et la fragilité du cinéma muet : un visage, un regard, suffisent à tout dire. Et dans la fameuse séquence sur la glace, Griffith atteint une virtuosité sidérante, alliant tension dramatique et émotion pure, un moment suspendu, presque mythologique.
Au-delà du drame, À travers l’orage touche à l’universel. Griffith y oppose la cruauté du jugement moral à la grâce du pardon, l’inhumanité des hommes à la beauté du geste. C’est un cinéma de foi, pas religieuse, mais humaine, où chaque plan respire la compassion.
Plus d’un siècle après sa sortie, le film conserve sa puissance et sa poésie. À travers l’orage est une œuvre intemporelle, qui rappelle à quel point les débuts du cinéma savaient déjà tout dire : la chute, la rédemption, la beauté, l’amour.
Un grand film, simple et sublime, où Griffith prouve qu’avant les mots, le cinéma savait déjà parler au cœur.