Absentia
5.8
Absentia

Film de Mike Flanagan (2012)

Absentia (Mike Flanagan, U.S.A, 2011)

Première véritable réalisation de Mike Flanagan, produite en partie par la plateforme participative Kickstarter, ‘’Absentia’’ est une variation sur le thème du film de fantôme, par le biais d’une démarche originale. Estimée à 70 000$, c’est une œuvre semi-professionnelle, avec tout ce que cela implique, une économie de décors, de moyens, des acteurs amateurs, mais une terrible envie de bien faire.
Ses trois premiers films étant du travail universitaire, ce qui les rend difficiles à trouver, il est possible de considérer le début de la carrière de Mike Flanagan avec ce ‘’Absentia’’. D’autant plus que ses précédants travaux ne sont pas en lien avec l’épouvante, un genre dans lequel il s’est fait spécialiste depuis maintenant une décennie.
Avec son ambiance lourde, sublimée par la lenteur du métrage, ‘’Absentia’’ permet à tout bons spectateurs d’observer la richesse des plans, afin de livrer un effort d’imagination. Toute la construction du film repose sur cette attente proposée à l’audience, avec plusieurs pistes fournis tout au long d’un récit volontairement confus, qui ne remplit pas toutes les zones d’ombres. Savoir si ce qu’il se passe à l’écran est vrai ou tiré de l’imagination des personnages, devient l’enjeu principal de ceux et celles qui se prêtent au concept.
‘’Absentia’’ propose à la fois une explication ‘’réaliste’’ et son penchant ‘’fantastique’’. Jamais le métrage ne tranche clairement entre ces deux idées, organisant un véritable tourbillon psychologique qui détruit petit à petit des protagonistes qui eux non plus ne savent plus quoi croire. L’incrédulité est provoquée par la réapparition d’un homme, Daniel, porté disparu depuis 7 ans, qui réapparait devant chez lui, vêtu à l’identique du jour de sa disparition. Même s’il apparaît faible et déboussolé, il n’a pas changé physiquement.
Le problème est que cette réapparition inopinée n’est pas forcément une bonne nouvelle pour sa femme Callie, qui en 7 ans est parvenue à faire son deuil et a essayé de reconstruire sa vie. Elle vit avec sa sœur toxicomane, qu’elle aide à s’en sortir, et fréquente un inspecteur de police. Le retour de Daniel vient perturber le quotidien de Callie, qui ne sait pas trop si elle doit se réjouir de cette réapparition soudaine. D’autant plus que son mari semble très différent.
Oscillant sur plusieurs thématiques, ‘’Absentia’’ aborde à la fois le chagrin dû à une disparition, entrainant le deuil, puis l’acceptation. Tout le récit tourne ainsi autour de Callie, et de l’explosion de la cellule familiale. Le retour de son époux devrait être une bonne nouvelle, mais cela va au contraire compliquer un quotidien normalisé avec le temps.
Parallèlement à la disparition et la réapparition de Daniel, il est expliqué que le quartier où se déroule l’action est sujet depuis de nombreuses années à des disparitions étranges. Que ce soit des animaux qui disparaissent en masse, ou bien des personnes. Tricia, la sœur toxicomane de Callie, réalise cette étrangeté liée à la rue où elles vivent, mais du fait de sa condition de toxico’, personne ne l’écoute, ni ne la prend au sérieux.
Entre alors en jeu une autre thématique, celle de la perception altérée. Callie n’est pas écoutée parce qu’elle a un problème avec l’alcool et fume du cannabis. Pourtant, elle est la seule à se rendre compte d’un problème, qu’une police incompétente est incapable d’éclairer. La drogue et l’alcool s’invitent ainsi dans le récit pour venir remettre en doute ce qui est montré à l’écran. Qu’est-ce que c’est qu’est vrai ? Qu’est-ce que c’est qu’est faux ? Des questions auxquelles le film n’apporte pas de réponses. Il en va de l’interprétation de chacun.
Une démarche qui incite à revoir le film, afin de faire plus attention aux détails, afin de choisir l’angle le plus plausible, auquel il est possible de croire : une sœur toxicomane et serial killeuse à ses heures perdues. Un monstre tapi dans l’ombre qui collectionne les âmes. Un tortionnaire d’animaux qui a mal géré la disparition de son père. Une invention de toute pièce née de l’imaginaire d’une femme souffrant d’un chagrin immense… Les choix sont multiples.
Avec sa mise en scène sobre, et un jeu de lumière superbe, pour une micro-production, qui inonde de lumière certaines séquences, pour la retirer totalement dans d’autres, cela permet d’être happé par chaque plan, et de ressentir ce que le réalisateur cherche à transmettre comme sentiment. Ce qui fait d’‘’Absentia’’ une petite œuvre fantastique intelligente, gérée de main de maitre.
Ce film est la preuve qu’il est possible de s’autoriser de l’ambition, à grand coup d’audace, sans débauche de moyen, pour mettre en place une ambiance crédible. Ici constituée naturellement par une économie de moyen qui permet de ne pas multiplier les lieux, par un quasi huis-clos, où l’essentiel de l’action se déroule dans une maison et dans une rue. Augmentant par là même un sentiment claustrophobique, favorable à l’initiation de l’angoisse.
Avec cette première expérience dans le domaine de l’épouvante, Mike Flanagan pose discrètement les thématiques qui feront son cinéma. Telles que la famille dysfonctionnelle, la perte de l’être aimé, la perception altérée, le deuil, le chagrin et l’acceptation. Fort d’une véritable âme et d’un caractère propre, ‘’Absentia’’ est une œuvre complète, riche et agréable à suivre, emballée par un metteur en scène impliqué. C’est franchement ce que l’on peut appeler une vraie bonne surprise.


-Stork._

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le 12 févr. 2020

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