Ad Astra raconte, dans un futur proche à une date imprécise, le long voyage interplanétaire et psychologique de Roy McBride (Brad Pitt), un astronaute autiste envoyé en mission vers Neptune, via la Lune et la planète Mars, afin de retrouver son père, Clifford McBride (Tommy Lee Jones) qu'il croit mort et de mettre fin à des projections de radiations d'anti-matière qui menace tout le système solaire et toute vie existante.


D'un point de vue des images, des scènes sont saisissantes comme celles de la chute depuis la grande antenne spatiale, la course poursuite des rovers sur la Lune et l'arrivée vers Mars. Il peut être regrettable que le film, hélas, ne laisse probablement pas assez profiter des vues de la bleue et très froide Neptune à la fin.


Il y a des invraisemblances néanmoins, plus dans l'ordre réaliste techniquement et physiquement, comme l'infiltration de Roy dans le vaisseau Cepheus décollant du sol martien ou cette traversée des anneaux de Neptune - qui seraient composés de glace et de composants organiques plutôt que de roche - des faits qui pourraient prêter à rire.


Ad Astra n'a rien d'un voyage touristique et intégralement contemplatif. Il ne s'agit pas non plus d'un film de guerre ou d'action spatial malgré les scènes lunaires. La narration depuis le point de vue de Roy McBride nous enferme dans le personnage et dans sa quête du père, un astronaute et scientifique très renommé, exigeant, intransigeant même peut-on dire, qui a sacrifié sa vie pour la recherche de vies intelligentes extraterrestres au détriment de sa famille. Et le fils, de par son sens appuyé du devoir, en prend sentimentalement le même chemin, séparé de son épouse jouée par Liv Tyler qui n'est plus qu'un écho lointain, un visage sur un écran. Le fils souffre de ne pouvoir aimer ceux qui l'entourent, prisonnier de la chape morale d'un géniteur disparu qu'il finit par haïr car se sentant abandonné par lui depuis l'enfance.


Et comme si cela ne suffisait pas, Roy McBride subit la méfiance de sa hiérarchie et de ses employeurs privés de Spacecom. Ces derniers doutent de sa capacité à réussir la mission, en rapport au lien familial avec son père qui tombe progressivement en disgrâce au fil des révélations dans le périple spatial. La situation sur la rouge Mars en provoque un moment épique, tragique et invraisemblable, cette scène précédant une épopée en solitaire de presque trois mois jusqu'à Neptune. La longue solitude à bord du vaisseau fait fissurer la carapace du fils qui se fait son propre procès et qui s'approche des bords de la folie comme un naufragé vivant depuis longtemps sur une île déserte.


Le face à face final et compatissant avec le père qu'il ne devait pas décevoir, ici retrouvé déraisonné et dans un état de vieillard fatigué, lui sera salutaire ou pas. Car ce vieillard paternel désolé, usé par treize longues années de solitude, est toujours obstiné par son refus de l'échec, au point qu'il s'est brisé l'humanité en lui, ce qui a causé la perte de la mission dont il avait le commandement et la dérive de son vaisseau envoyant des décharges dangereuse d'anti-matière.


La fin amène en soi certaines questions.
Explorer des contrées lointaines dans l'espace est-il vain même si les techniques de propulsions dans le futur faciliteront et raccourciront les trajets interplanétaires de plusieurs années à quelques mois ?
Sommes-nous vraiment seuls dans l'univers ?
Ne peut-on vivre que sur notre bonne vieille Terre sinon que d'épandre profits et conflits au dépend de la science et de la paix dans le système solaire ?
L'Humain a-t-il son utilité dans le vide silencieux de l'espace et sur d'autres astres ?
Elle amène aussi la question de vivre en suivant ou non à la lettre les paroles d'un parent admiré, idolâtré, déifié, au point de ne pas pouvoir tracer son propre chemin, ce qui génère chez bien des cas de la frustration et de la souffrance.


Un bon film de science fiction et de psychologie avec des images superbes valorisées par la musique composée par Max Richter. Un film d'autiste. Un film d'auteur qui tiraille entre l'envie d'aller plus haut vers les étoiles et le besoin de garder les pieds sur le plancher des vaches de notre planète mise à mal de nos jours.

MonsieurScalp
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le 14 oct. 2019

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