Ah, ce Scott Cooper... Indécrottable réalisateur qui possède toujours les défauts de ses qualités. Sur l'ensemble de sa filmographie, il est une chose qu'on peut lui reconnaître : il sait créer des personnages. Dans sa direction d'acteur et dans la complexité de ses protagonistes, aucun doute, il sait quoi exploiter, quoi mettre en scène, quoi révéler au public au fur et à mesure que son film se déroule. Tous sont attachants et développent des caractéristiques qui ont de quoi satisfaire le spectateur, et ce quelque soit le genre exploré (du drame-vengeance au western en passant par l'horreur). Ici, tous les personnages, et particulièrement le gamin qui doit subvenir à lui seul à sa famille remplissent l'écran et nous en offre. Leurs dilemmes et leurs turpitudes nous sont exposées sans détour, et avec une sincérité toute propre au réalisateur qui ne lui fait jamais accoucher d'un film cynique. Mais ici, il faut le dire : l'horreur est ratée.


Première dans mes critiques : je vais faire la distinction entre horreur et suspence. Ce film gère très bien la tension. Elle reste diffuse et sourde durant la moitié du film, puis elle libère les monstres et la tension n'arrête pas de faire des montagnes russes, avec un climax dans une mine désaffectée qui nous en donne enfin pour notre argent. Mais si dans la forme, le film ne pêche pas (exposition progressive et final qui dévoile tout), l'explication est particulièrement stupide et parachutée, aboutissant finalement à la matérialisation pure et simple d'une légende, sans qu'aucun élément fantastique d'ampleur ne vienne la soutenir. Ca déboule du jour au lendemain alors que nous parlons d'une légende venant des natifs américains sensés fouler le sol depuis des siècles. Un peu fort de café, et finalement une nature qui frustre le spectateur, insatisfait de constater qu'on en a fait tant pour si peu. Qu'on se comprenne bien : le film est très réussi dans la forme, un modèle dans la construction de ses personnages et de leur histoire dramatique, et tout à fait efficace dans la mise en scène de sa créature, même si son dénouement la rend pataude. Mais très vaine dans le fond, sa créature n'étant finalement pas d'un grand relief, l'assimilation entre prédateur sauvage et prédateur sexuel (comprendre pédophile) fonctionnant très mal. Finalement comme les brasiers de la colère, un film avec d'excellents acteurs et personnages qui déçoit par son manque d'ampleur scénaristique alors que tout le reste est là. Encore un rendez-vous manqué qui devient la marque de fabrique de Scott Cooper, alors que ses qualités continuent de garder les films à flot, suffisamment pour conserver l'intérêt, mais jamais assez pour amorcer le décollage là où un Denis Villeneuve avait su se démarquer et marquer l'essai.

Voracinéphile
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le 15 déc. 2021

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