"The past is a foreign country; they do things differently there"!

Sophie, adulte, se souvient des vacances, qu'elle a passées avec son père (notamment en visionnant ce qu'ils en ont filmé !), alors qu'elle avait onze ans, lors d'un été des années 1990, en Turquie...

Voilà comment je pourrais résumer le plus succinctement possible Aftersun de la réalisatrice Charlotte Wells (avec laquelle, je fais connaissance par la même occasion !). En fait, pour être plus précis, dans ce cadre estival, invitant à l'amusement et à la détente, des séquences en apparence banales, faisant plus appel à nos sens qu'à l'écriture scénaristique (ou du moins, l'écriture scénaristique passe exclusivement par le biais de nos sens !), ce que l'on pourrait faire soi-même si on était dans le même contexte (nager, bronzer, faire connaissance avec d'autres clients de l'hôtel, boire une boisson fruitée, massacrer une chanson lors d'un karaoké, regretter un temps qui passe trop vite, redevenir anxieux quand les derniers jours arrivent !).


Le tout alterne images filmées par l'intermédiaire d'un bon vieux caméscope de la décennie de la Macarena avec des images plus cinématographiques qui représentent peut-être la mémoire de la protagoniste. On comprend que le père a eu sa fille très jeune (ce qui a pour conséquence que certains touristes ne manquent pas de le prendre plutôt pour son grand frère !), ne vit pas en couple avec la mère, avec qui l'adolescence reste tout le reste de l'année, et qu'il a une véritable affection pour sa progéniture, qu'ils ont une grande complicité, qu'il essaye de faire de son mieux. Rien que ça, c'est suffisant pour toucher le cœur du spectateur. Mais des fêlures se manifestent à travers tel ou tel comportement du paternel, surtout quand il se retrouve seul ou au fur et à mesure que cette courte période avec sa fille s'approche de la fin.


Probablement que ce sont ces fêlures, qu'elle a sûrement perçues, sans les saisir sur le coup, qui poussent Sophie à ce travail de visionnage et de remémoration, pour comprendre avec ses yeux d'adulte. Comme les spectateurs n'ont aucune clé, au-delà de ce séjour estival turc, ils sont autant troublés. Oui, on se pose plus que de questions que l'on a de réponses.


L'ensemble se concentre essentiellement sur le père et la fille, parvient à faire ressentir les émotions qu'ils portent à tel moment ou tel autre (sans pour autant que l'on sache forcément, pour le père, pourquoi !).


Par un beau travail de mise en scène, sur le plan visuel et sur le plan sonore, par la justesse d'un duo d'acteurs épatants (Paul Mescal et la pétillante Frankie Corio !), marchant par les sensations, ce film prenant et hantant laisse volontairement sur la confusion que le passé, notre passé, ce territoire trompeur et diffus, a la faculté de déclencher quand on s'attarde à réfléchir dessus. Car, comme le souligne si bien l'incipit du roman de L. P. Hartley, The Go-Between (au passage, adapté brillamment au cinéma par Joseph Losey en 1971 !) :


The past is a foreign country; they do things differently there.

En tous les cas, Aftersun illustre admirablement la vérité qu'il y a dans ces quelques mots.


Plume231
7
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Le 1 février 2023

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4 commentaires

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Moizi
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