Al Capone
7.2
Al Capone

Film de Richard Wilson (1959)

Tout commence superbement, selon moi.


On est dans un tripot à Chicago en 1919 et il y a cette séquence d'introduction qui en dit davantage que les longs discours. Elle se cale sur la chaloupe fugace d'une chute de reins démoniaque accrochée à une blonde peroxydée qui descend un escalier, ce qui suscite immédiatement l'intérêt.
Ensuite, elle flotte un peu dans la salle enfumée où s'agglutinent têteurs de goulots et autres éponges à houblon, pour se poursuivre sur l'arrivée d'un Al Capone en provenance, on imagine, de son Brooklyn natal, sans un mot.
Sa façon de se mouvoir entre les saoulards et les femmes de petite vie, ses yeux qui suivent chaque lascar qui croise sa route, sa façon de piquer un peu de bouffe au passage pour remplir sa panse qu'on devine sans peine sous sa veste élimée ou de finir d'un trait la bibine d'un zozo parti faire pleurer le colosse... on sait à qui on a affaire. Un animal sauvage, rusé, venu dans les parages pour voir s'il n'y a rien à dévorer, rien à nettoyer, avant de s'asseoir tout en haut de la pyramide, même si ça doit piquer.


Une autre séquence, fulgurante, le voit présenter son côté raffiné et partager quelques vocalises sur un air d'opéra avec son patron qu'il vient assassiner (parce qu'à un moment faut se débarrasser des poids morts qui te tirent vers le bas), fauché au firmament par deux balles dans le dos. Capone plonge dans les yeux du presque mort comme pour lui voler cet instant qui s'échappe.
Ici marionnettiste convaincant, là homme d' «affaires» avisé, mais toujours bête féroce et impitoyable.


On peut regretter cependant que tout son côté queutard ait été censuré (il calanchera d'une crise cardiaque suite à la syphilis).


La prestation volcanique de Rod Steiger pour sculpter cette figure monumentale est la raison principale de voir ce film, je ne vais pas te mentir.
Il faut le voir, tuméfié, la chemise déchirée sur son ventre tendu, reprendre les yeux mi-clos un flic qui a mal orthographié son nom. En adepte de la Méthode, il se fond dans ce personnage avec qui il entretient une troublante ressemblance physique. Il éructe, distribue des baffes sans mollir, se bat comme un ours et se déchaîne à coups de chlaps.


Le canevas de l'ascension puis de la déchéance n'est pas nouveau, je te le concède mais le choix du style documentaire, dicté par un micro-budget et qui fait marcher le film dans les pas d'un réalisme à la "Les Incorruptibles" (l'excellente série avec Robert Stack), l'insistance de Steiger pour ne pas édulcorer le personnage (il fera réécrire 3 fois le scénario avant de signer pour le rôle) et ajoute à ça le Othello manipulateur, le Macbeth nettoyeur ou le Richard III abandonné de tous, l'ombre d'Orson Welles pour qui Richard Wilson fut assistant et tu tiens-là, quand même, une œuvre qui sort un tantinet de l'ordinaire.


Le Al Capone de Richard Wilson marque le renouveau du film de gangsters, genre grâce auquel la Warner aura réussi à se faire une place au sein des Majors (Universal, MGM) dans les Années 20 et peut être considéré comme la référence aux figures telles que le Tony Montana de Al Pacino (qui en explorera les versants cubain) dans le disco Scarface de DePalma et le Al Capone de Robert DeNiro (pour lui, le côté bouffi) dans l'innommable Les Incorruptibles du même Brian.

DjeeVanCleef
8
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le 8 mars 2016

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