Alger insolite
7.5
Alger insolite

Film de Mohamed Zinet (1971)

Les 400 coups. Une Petite Sirène au bout du rocher du port. Vrai et faux respect.

"Oui, ils construisent maintenant mais on voit bien qu'il y a les Russes de partout." (sic) "Et s'ils savent faire quelque chose, c'est nous qu'on leur a appris." (sic)

Je l'ai tenté au hasard car et quand il allait partir de mes vidéos-à-la-demande, puis je l'ai abandonné...il m'est revenu contre mon gré en images alors je l'ai retenté et l'ai alors fini avec plaisir, sa toute fin étant ce que j'ai préféré (car sans doute ce que j'ai mieux compris).

Liste de ce que j'ai pu comprendre du film pour l'instant:

  • c'est une série de scènettes de la vie quotidienne à Alger. En Algérie...Dans les années 1970s. On voit des enfants jouer au foot, imiter les adultes commentant et grommelant. On voit des voisines se disputer. Des scènes de marchés, des étales de vendeurs, des plans d'en haut de la ville: on dirait Marseille de nos jours.
  • elles sont entre-coupées de scènes où une sorte d'ermite en bermuda pieds et torse nus, seul au bout d'un ponton ou jetée, crie des poèmes, d'abord en arabe puis la voix off nous en donne la traduction en français...lors d'une autre de ses interventions insolites, il est accroupi comme Ghandi sur son bout de ponton rouillé, il nous regarde avec ce qui semble de la haine et colère puis soudain hurle de tous son souffle: "allah akbar"/Dieu est grand...(28e minute)
  • ...et justement, ces scènettes marrantes ou piquantes, m'ont rappelé celles des contes et films plus récents d'Elia Suleiman dont celui sur un Palestinien vivant à Jérusalem, Intervention divine...
  • ...en plus d'Elia Suleiman, certains scènes m'ont fait penser à des hommages à Jacques Tati ou Charlie Chaplin: notamment toutes les régulières scènes d'enfants s'enfuyant et courant en ligne, poursuivi par un plus petit enfant rouquin, tous courus après par un policier comme Charlot et le Kid l'étaient...
  • ...à la fin épatante, cet enfant rouquin a remplacé l'ermite criant au bout du ponton: il nous regarde et nous demande de partir, nous dit que "le film est fini", comme le fera bien plus tard un ado aussi à la fin du John Hughes 'La folle journée de Ferris Bueller' ("c'est fini, rentrez chez vous", 1986).
  • et le regard de cet enfant vers nous se fige, dans une pause, rappelant la si belle fin mémorable des 'quatre cents coups' (1959).
  • je n'ai pas aimé qu'une scènette se moque d'une femme promenant et aimant son chien
  • je n'ai pas tout compris des raisons de la dispute des deux femmes sur leur balcon, dont les linges pendolants rappellent des films Italiens et un de mes tableaux préféré: de Thomas Jones, Un mur à Naples. C'est au sujet de saletés puis ça dégénère sur des accusations de collaborations, de trop aimer "les français" etc.
  • j'avais oublié lors des premières scènes (qui me l'avait fait abandonner) des scènes où je manque de clés de lecture: un Suisse est refoulé de l'aéroport d'Alger par les autorités...on le voit tout penaud dans un bureau et l'agent lui dit "vous savez pourquoi on vous renvoie, vous avez pas de visa, vous savez pourquoi les Suisses ont besoin ici d'un visa"...ben moi, j'en sais rien. MAIS CE QUE JE SAIS ET VOIS: est qu'au mur de cette sécurité et douane, il y a une affiche plutôt dégueulasse/étrange d'un Jésus crucifié sur une étoile de David avec au dessus, les lettres PALESTINE...en 1971. (sic) ça renvoie je crois à l'antisémitisme répétant que des juifs ont tué Jésus et cette affiche diraient qu'ils crucifient sur leur étoile d'autres Jésus?? (j'ai rien compris).
  • ...en revanche, une scène bien plus géniale et précurseur est celle condamnant et moquant les connards d'harceleurs de rue, en 1971, dans un films arabe, à Alger: une jolie fille marche, un type en voiture lui parle, elle lui dit qu'elle est pas intéressée mais ils continuent à la suivre en voiture et c'est là que l'ermite sur son ponton apparait au montage et hurle "pourquoi tu insistes?! Arrête d'insister."
  • une remarque au sujet du ponton et ces pitons en acier qui rouillent: le tout donne des couleurs épatantes et très jolies qui entourent le guru accroupi au sol...Mohamed Zinet, l'acteur réalisateur, est alors une sorte de Petite Sirène au bout d'un rocher dans le port de Copenhague...
  • je n'ai pas compris la scène d'amitié entre le Suisse qu'on retrouve endormi dans avion et l'agent d'entretien: ils deviennent copains comme cochons. Il en résulte un beau serrage de mains entre eux.
  • les résumés du film que j'ai croisés ne parlent en fait que des 20 dernières minutes: un ancien torturé Algérien tombe sur un Français tortionnaire devenu gentil touriste avec sa femme enchantée et séduite par l'Algérie. Cet ancien tortionnaire redevenu normal d'apparences m'a soudain rappelé les visages d'un documentaire extraordinaire que j'ai vu grâce à belle arte, Fritz Bauer, un procureur contre le nazisme où on voit ce que sont devenus en Allemagne des tueurs de femmes et enfants après la fin de la seconde guerre mondiale...ces mimics s'étaient tous réintégrés à la société en gentil boulanger, en gentil livreur, en gentil gynécologue, voire journaliste ou ambulancier etc. ...un peu comme l'ont fait les commandos tueurs du Hamas récemment? Très actuel doc, des démons à têtes humaines.
  • mais pour moi la scène et histoire clé, n'est pas celle dont parle les résumés: "un torturé reconnait un de ses salauds". Pour moi la scène clé que Mohamed Zinet met en valeur, bien plus nuancé et habile observateur que ne laissent croire ces résumés binaires sans nuances, est la scène où ce pauvre torturé , âgé, gentil papi du gamin rouquin, est bousculé comme une merde par un jeune algérien...ce jeune algérien parle très mal au vieil algérien, ne s'excuse pas, ne laisse pas passer l'ainé, n'aide pas son ainé et pire, cerise quasi hilarante sur le gâteau, ce jeune malotru, rejoint ses jeunes copains à la table du restaurant où l'un d'eux demande à parler de leur scénario de film sur "le méchant capitaine français"...donc pour moi, le message de ce Zinet nuancé est que ces jeunes qui parlent de respect et de mémoire des troubles de la guerre d'algérie, s'en soucient de manière virtuelle et victimaire puisqu'il les montre ne pas respecter la mémoire elle vivante et de chair des vraies victimes du conflit comme l'est ce vieillard que ce jeune algérien bouscule sans vergogne? il me semble que Mohamed Zinet parlait déjà de ce faux respect de la mémoire qui est en fait victimaire, pour surtout ne rien faire, ne plus rien faire? Ce qui je crois était la petite musique du pourtant très patriote et adorant son beau pays puisqu'il habite encore en Algérie: Boualem Sansal. (je conseille aussi le film en fait nuance Des hommes)

  • correction/errata: SC et Google m'apprennent après que Mohamed Zinet n'est pas l'acteur criant les poèmes sur le ponton, il est l'acteur jouant le papi torturé y'a des années et maintenant bousculé par des jeunes; il réalise le film (il est l'acteur qui tient le fusil à la fin de Dupont Lajoie). L'acteur qui clame les poèmes sur le ponton est Himoud Brahimi (jeune, il avait de petits airs de Redouane Bougheraba).

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