Les princes de la rue, ces jeunes arabes dont l’imaginaire prend beaucoup de place jusqu’à ce que, grands, ils perdent leurs rêves et ne sachent plus en tirer que les démons. Oui mais quoi d’autre ?


Les seuls ”grands” de la rue, ou plutôt du port, c’est un vieux marin et un jeune chef de bande, méchants ni l’un ni l’autre, restés enfants en ce qu’ils réagissent aux choses à la hauteur de l’instant. Que ce soit une insulte, une attention ou même un meurtre, tout est passé dans le prisme de l’enfance, ce qui n’est pas facile dans des mains adultes voulant rendre quelque justice.


Tout se vit au jour le jour, voire à la minute la minute, et l’on entre dans les rues de Casablanca en même temps que dans un univers empli de jeunesse et de poésie. Chefs de file et maestri de ce petit orchestre, trois enfants bien sûr, d’illustres inconnus du septième art, piochés dans la même rue où ils crèchent et qui marquent tout une œuvre de leur grandeur d’âme, absorbant la caméra comme si elle faisait déjà partie de leur imagination.


Dominés par des tours jumelles moins hautes et symétriques que celles qui tomberont entre les sorties australienne et suédoise du film, ce sont des parias du monde adulte auquel ils sont seulement reliés par la colle qui leur vaut leur réputation de drogués. Mais ils s’en fichent, et rien là-dedans n’est dénonciateur, noir ni cynique. Une mauvaise langue y verrait un encouragement à la misère, mais ces gamins fondent leur propre bonheur et ça fait le nôtre de les voir s’amuser.


Les impondérables du monde se dissolvent dans l’histoire d’Ali Zaoua, avec pour seule nostalgie la publicité récurrente et francophone qui fait songer à un autre monde, mais pas celui des grands : celui des autres. Ce qui leur importe, c’est leurs idées, et ils auront beau se moquer de celles des autres – dépeignant une mésentente qui sonne plus raccord à nos oreilles occidentales –, ils se respecteront ailleurs.


L’émerveillement est à la fois la source et l’océan du film, dans lequels se cache une île aux deux soleils, havre évanescent pour les jeunes esprits bousculés par une réalité aux traits naïfs, presque négationnistes, mais empaquetée dans un envol de la simple beauté qui colmate toutes les brèches menaçant qu’on dût écoper la moindre déception.


Quantième Art

EowynCwper
7
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le 23 sept. 2019

Critique lue 172 fois

Eowyn Cwper

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