Laissez moi vous raconter une histoire : celle de Johnny Depp et Tim Burton, deux grandes personnalités en plein déclin constant, qui ne parviennent plus à se renouveler et retrouver l'aura qui faisait, il y a vingt ans déjà, leur grande renommée. C'est leur personnalité extravagante et géniale qui semble les avoir quittés, la personnalité unique de leur art somme toute différent l'un de l'autre, mais tellement complémentaires lorsqu'on les associe entre eux.


Depuis Wood, Edward, Sleepy, Charlie, les deux hommes semblaient avoir trouvé un terrain d'entente suffisamment prometteur et crédible pour pouvoir s'attirer les yeux rêveurs d'une foule de nouveaux fans en éruption. Et c'est à la vue de cet Alice au Pays des Merveilles que l'on laissera un horrible constat s'imposer à nous : ce temps ci est définitivement révolu, enterrant deux grands d'hier fans aux nouveaux géants d'aujourd'hui (notamment un certain Guillermo Del Toro).


Car si Burton et Depp n'auront pas su passer les années 2000 avec ce génie si particulier qui animait leurs débuts de carrière, c'est que leurs films en ont largement pâti. Ainsi, cet Alice perd toute l'âme des oeuvres de Burton, ou la folie mesurée du jeu auparavant sublime d'un Depp qui manque ici d'inspiration. Recyclant toutes les mimiques qu'il put utiliser ici ou là, il se contente de nous jouer un éternel Jack Sparrow, grotesque dans son attitude, avec pour seul différence que la folie sera ici poussée à son paroxysme.


Forcément que la recette prendra pour les moins exigeants d'entre nous, pour les amateurs de son jeu si unique, mais ne soyons pas si sûrs que les autres l'apprécient tout autant. L'on pourrait même commencer à sentir un certain air de lassitude chez ceux qui trouveront ici le point d'overdose d'un jeu certes répétitif, mais toujours suffisamment efficace pour ne pas nous endormir.


Une prestation passablement banale qui croulera facilement sous le jeu endiablé d'une Carter inoubliable par son surjeu et son phrasé enfantin, étrange gosse démoniaque à la tête de pastèque. Irritante jusqu'à sa voix de crécelle, elle relèvera le niveau jusqu'à la toute conclusion de l'oeuvre, étrange méli-mélo d'action que n'aurait guère renié un certain Peter Jackson, le grotesque en supplément.


Et s'il est une chose qui déçoit par dessus tout le spectateur un tant soit peu exigeant, c'est que la dite chose concerne la mise en scène de Burton. Nous prouvant qu'il n'est plus que l'ombre du génial artiste qu'il fut, l'homme nous sert une drôle de bouillasse dégoulinant d'un numérique abject et mal posé, souvent mal incrusté sur des décors refoulant le fond vert bon marché.


Son film manque d'âme, de peps : il est vide, fade, sans saveur, comme tous ces produits surgelés qui viennent remplacer le savoir-faire ancestral d'artisans amoureux de leur profession. Remplacés par un numérique malvenu, les décors habituellement construits des films de Burton ne laissent plus aucune place à la magie ou la rêverie, l'homme tentant de nous faire croire que son art est toujours intact, au travers de quatre pauvres arbres en putréfaction qui ne sont pas sans rappeler un certain Sleepy Hollow, le génie en moins et la superficialité du numérique raté en plus.


Vide et sans grande saveur, Alice au Pays des Merveilles n'a pour lui que son aspect divertissement primaire : si l'on omet tous ses défauts, si l'on oublie ses airs vrais d'attraction de Disney pour Lapin sous coke avec des lunettes 3D, l'on pourra y passer le temps sans disconvenu, sans être trop déçu. Car au final, cette version "Burtonienne" des aventures d'Alice pourra distraire par un après-midi pluvieux, si l'on n'a rien d'autre à voir. A trop prendre le melon, le célèbre duo d'artistes commence à sérieusement nous prendre la tête, et ce serait renier la sève du film que d'ignorer tous ses défauts et son manque d'âme, puisqu'ils tiennent plus de problèmes de fond que de soucis de formes qu'on pourrait excuser.

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le 3 juin 2017

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FloBerne

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