Ce dernier opus de la saga Alien souffre de deux gros défauts, qui se nourrissent mutuellement.


Premièrement, la narration. Elle est très saccadée et ne parvient pas à distiller correctement le scénario. Après un démarrage, disons étrange (je reviendrais dessus, mais je parle pas de la toute première scène qui, elle, est plutôt intéressante), Scott réussi plutôt bien à installer l'ambiance de son film, jusqu'à une scène particulièrement intense,


lorsque l'équipage est confronté pour la première fois aux aliens blancs.


Seulement après ça, le film part un peu dans tout les sens et surtout, il récite son scénario. Scott a le souci de vouloir tout expliquer - un mal qui ronge quasi toutes les grosses productions hollywoodiennes - mais il ne sait visiblement pas comment. En conséquence, eh bien il nous fait la lecture de ce qui aurait pu être une note sur laquelle sont précisées ses intentions.


Et enfin la dernière partie du film est complètement rushée et surtout, n'apporte strictement rien. En gros, on a l'impression que la logique a été la suivante :
- Bon les gars, le contrat stipule qu'on doit faire deux heures de film à faire et là, il nous manque 20mn...
- Les gens ont aimé le premier, il faut faire quelque chose qui y ressemble, genre on pourrait faire des scènes dans le vaisseau ?
- Ok bonne idée !


Et on y met les mêmes scènes cultes, comme celle où Dallas est dans les conduits pour traquer le monstre et se fait guider par les autres. Et puis l'Alien, ils s'en débarrassent en le jetant dans l'espace !


Voilà sauf que bon déjà toutes ces séquences étaient bien mieux réalisées dans le premier opus et surtout, elles avaient du sens. Le premier Alien se passe quasi intégralement dans le vaisseau et il en ressort une ambiance très claustrophobe.


Dans ce cadre, éliminer la créature en l'expulsant dans l'espace, et non en la tuant simplement, a du sens par rapport à cette claustrophobie. Là ce n'est pas le cas puisque le film joue sur une ambiance très différente.


En fait, le film va beaucoup trop vite et ça se ressent dès la présentation du générique.


Deuxième problème : les acteurs et par extension, les personnages qu'ils incarnent. Bon hormis Fassbender, ce n'est pas que les acteurs jouent mal, c'est juste qu'ils ne jouent pas. ils sont transparents et apparaissent totalement détachés du film et leur comportement apparaît complètement décalé par rapport à ce qu'ils vivent.


Deux exemples : tout d'abord lorsqu'ils arrivent dans la cité des ingénieurs, aucun ne pose la question de qui ils sont. Puis cette séquence hallucinante où David montre les "œufs" (je mets des guillemets parce que, pour moi, ce sont plus des cocons") au capitaine ; ce dernier se laisse manipuler par David alors qu'absolument tout (même le décor) indique qu'il y a danger et qu'il ne faut surtout pas faire confiance à l'androïde.


Et puis je pense qu'il y a un vrai problème de casting avec l'actrice principale qui a un visage trop enfantin. En fait, ce ne sont pas des personnages, mais des fonctions. Et des fonctions qui ne marchent pas. Il y a bien des tentatives pour les humaniser (ils sont tous en couple visiblement), mais ça ne prend pas.


Un exemple dont je parlais plus haut : au début du film, le vaisseau subit un accident et l'un des personnage, qui se trouve être le mari de l'héroïne, meurt. Le moment est donc sensé être triste et marquant pour les personnages et on imagine que cela aura un impact sur leur comportement et leurs choix. Eh bien c'est un double non. Ce n'est pas triste car on ne connaît pas les personnages, cette scène étant la première où on les voit. Scott a beau nous mettre toute une séquence où l'héroïne expose ses souvenirs, ça ne fonctionne pas plus parce que, bah on les connaît toujours pas, on ne s'est pas attaché à eux. Et enfin, eh bien à aucun moment cet évènement tragique n'impacte le scénario ni même le comportement où ne serait-ce qu'un seul choix de l'héroïne ; qui devient subitement ultra badass à la fin alors que tout le film elle est présenté comme plutôt fragile, en tout cas pas spécialement forte - contrairement à Ripley qui, outre son physique imposant (c'est l'actrice le plus grande du cast, plus grande que les mecs) elle apparaît très rapidement comme sûre d'elle et autoritaire.


Ces deux problèmes rendent le film assez creux, malgré une thématique très forte. En effet le film traite de la création, qu'elle soit scientifique, artistique et bien entendu divine. Toute cette thématique s'incarne à travers le personnage de David, qui obsédé par ce processus créatif. Et là, on sent qu'au-delà de l'écran, c'est Scott lui-même qui s'est incarné dans David. Scott, comme David, est le maitre des lieux, le maitre de l'Alien. A la rigueur, le seul avec qui Scott consent partager la paternité, c'est H.R. Giger, premier crédité au générique de fin et dont je pense qu'on voit des planches originales dans le film.


Donc voilà, c'est son film, sa création. Et s'il veut lui donner des allures de slasher nanar - par au moins deux fois, il en reprend un code très populaire, à savoir la scène de douche donc ça ne peut pas être un hasard - eh bien "ainsi soit-il" et tan pis pour les critiques ou les fans mécontents.


D'ailleurs, j'en profite pour rebondir sur une critique que j'ai beaucoup lu : où est la Reine ? Eh bien la reine elle n'existe pas dans l'univers de Scott. Lorsque la director's cut d'Alien est sortie, on y voit une scène supplémentaire où Ripley découvre le nid de la créature. Dans cette séquence, on nous suggère que les "oeufs" sont obtenus, non pas par ponte, mais par une transformation génétique opérée à partir des humains capturés par l'Alien - d'où mon usage du terme cocon.
la reine, c'est Cameron qui l'a introduite et pour deux raisons. La première est que la maternité est un thème fort du film Aliens, qui oppose deux mères protégeant leurs "enfants" - Ripley avec Newt et la reine avec ses rejetons. Ensuite et surtout, là où Scott faisait un film d'horreur en huis-clos, Cameron fait un film d'action et ce choix a eu une conséquence radicale sur la représentation de l'Alien entre les deux films et que, me semble-t-il, peu de gens ont vu. Dans le premier, la créature est solitaire, mais au-delà de ça, elle est relativement lente (en tout cas pas plus rapide qu'un humain), se déplace sur deux jambes et n'a apparemment pas la capacité de se mouvoir sur les murs et le plafond. Or une telle physionomie ne convient pas si l'on veut faire de l'action donc Cameron a donné à l'Alien une allure plus insectoïde et qui dit insecte, social qui plus est puisque maintenant ils sont plusieurs - dit reine.


Cette démarche est très égoïste, mais après tout, en va-t-il autrement de la volonté de création ? Et Scott est, je pense, parfaitement conscient de ça puisque, autant dans le processus de création du film avec en point d'orgue l'annulation du film de Blomkamp, que dans le film lui-même, tout tend vers ce message : Alien, c'est SA créature et il entend bien faire ce qu'il veut avec.


Ah un moment David dit : "mieux vaut être le maitre en enfer qu'un serviteur au paradis". Si vous cherchez l'essence du film, c'est là qu'il faut commencer.

castex
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le 8 juin 2017

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castex

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