(Alien Crystal Palace, Arielle Dombasle, « tragédie-musicale », 2019.)


Du plus profond de moi, j'ai envie d'attendre pour vous dire tout le bien que j'ai pensé de ce film, de laisser lentement monter en vous le désir d'en savoir plus sur le bijou que nous propose Arielle Dombasle. Car elle tient enfin sa revanche sur tous les railleurs qui ont, années après années, fustigé (Monseigneur Fustigé. C'est gratuit, reprends-en p'tit, c'est du Belge.) ses films les uns après les autres. Réalisations d'amateur, indigentes, sans moyens, sans idées, sans talent, juste le caprice d'une petite bourgeoise qui, parce qu'elle a croisé quelques réalisateurs d'avant-garde (car oui, elle est aussi âgée que ceux qui étaient l'avant-garde d'il y a 40 ans.), se croit investie de ce même talent.
Là, elle le prouve enfin ! Oui, Arielle Dombasle sait faire de grands films !


Passé cette excitation, je vais pouvoir reprendre point par point tout ce qui m'enthousiasme dans ce film. (quelques exercices de recentrage et de respiration me furent encore nécessaires pour retrouver mes esprits.).
Premièrement, tirons notre chapeau à un choix d'acteurs audacieux. En effet, choisir un grand ponte du théâtre comme Michel Fau et comme second rôle un rocker évanescent et lunaire (Nicolas Ker) qui n'a jamais tourné, c'était osé ! Pourtant, elle l'a fait. Ajoutez à cela Jean-Pierre Léaud toujours aussi incisif et juste. Incarnant le dieu Horus. Cette légende du cinéma porte sur ce film les derniers embruns de la nouvelle vague dont il fut. Autre choix inattendu, Christian Louboutin, le cordonnier pour riches, qui se paie le luxe de très bien s'en sortir dans son rôle. Ainsi, avec Daria Argento et d'autres acteurs issus d'un monde underground, la belle Arielle ne se retient pas de tenir le premier rôle féminin. Qu'il est difficile de s'asseoir dans deux fauteuils à la fois, et elle y arrive.


Celle qui est actrice et réalisatrice est aussi scénariste. Il faut dire, et je pèse mes mots, qu'elle inaugure un nouveau genre. Certes, si son film évoque les aliens, elle parle surtout des dieux, et elle nous pose la question sur le rapport à Dieu. Dieu, est-il extra-terrestre puisqu'il nous dominerait depuis le ciel ou est-il plus humain que les humains du fait de son origine ? Qu'y a-t-il de plus humain que Dieu ou les dieux ? Dieu, c'est ce qui permet de combattre la peur en appuyant sur son existence tout ce que l'on ne peut expliquer. Donc, faut-il craindre Dieu ou l'ignorance ? Et finalement l'ignorance, c'est ce que l'on ne sait pas d'autrui. Ainsi, Arielle Dombasle dépasse les sphères de l'ésotérisme pour nous dire ce qui est la clé de l'univers. Cette clé est en l'homme et la femme, la femme et l'homme et allons plus loin : la femme EST l'homme et vice-versa. Car, rejoignant la pensée antique, elle trouve dans l'androgyne tout ce qu'il y a de plus beau de chaque genre. Venant d'elle qui, je cite BHL (que l'on ne peut pas soupçonner de complaisance) : « Est l’esthétique faite femme. Les femmes, ici, sont parfaitement belles, les paysages sont parfaitement magnifiques. Arielle court comme une gazelle, un guépard, une panthère de Somalie. Les silhouettes, les costumes, les photos, les décors sont intelligents, cultivés, savants. Tel est le monde d’Arielle, nous dit la réalisatrice qu’elle incarne ».
Ainsi, oui, elle voit dans l'androgyne l'être absolu. Alors, j'entends déjà les rieurs dire « Ah oui mais pour ce qui est du trop-pleins de nichons, pour ce qui est de ces scènes de sexes nombreuses ? »
Ah ! Riez les premiers messieurs des pamphlets ! Elle convoque le beau ! Il ne faut voir là-dedans que l'expression la plus pure des hommes. Le sexe comme ultime point de rencontre et de communion des corps et des âmes.


Ainsi, dans cette œuvre, se croisent tous les univers, les galaxies mentales de la franco-mexicaine. Ce film est le fruit d'une intense réflexion des concepts ou chaque plan révèle les fragilités de cette femme et c'est un film de cinéma qui parle de lui-même, car, s'il est utilisé comme prétexte à la réalisation de l'oeuvre Ultime, il n'empêche que le centre de ce métrage soit la réalisation d'un film. Ce qu'elle veut nous dire, c'est clairement que le cinéma n'est qu'un moyen, un prétexte et non un but. Le but du cinéma n'est pas de faire des films, mais d'interroger et de sonder l'âme humaine.


Je pense pouvoir le dire : il y a un avant et un après-visionnage. Je sais, je sens qu'au fond de moi, je ne suis plus tout à fait le même, que mes jugements donnent l'impression d'être altérés, mais uniquement parce qu'elle a réussi à chambouler mes convictions. Tout ce que je pensais savoir sur Dieu de son existence supposée à son absence présumée. L'amour comme but ou comme moyen ? La rencontre des corps ou des corps qui s'évitent ? Des corps c'est lest, ainsi ils lévitent.
Cette maestria ne vous laissera pas insensible, je peux le garantir. Le Crystal Palace du titre désigne, à mon sens, le palais de verre de nos certitudes et qu'elle fait voler en éclats.


Signé Sarrus Jr. (Même de cela je doute.)

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le 1 avr. 2020

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