Près de quarante ans après sa sortie en salles le chef d'oeuvre de Ridley Scott n'a rien perdu de sa superbe ni de son efficacité. En bon film séminal Alien premier du nom s'est d'abord imposé comme une référence incontournable du cinéma de la fin des années 70 : modèle de réalisation, révolution graphique du plasticien H. R. Giger, croisement de science-fiction et de film d'horreur Alien termina d'attester ses lettres de noblesse au genre du survival amorcé par Deliverance quelques années plus tôt.
Le film ne démarre pas, pour ainsi dire, sur les chapeaux de roues. Privilégiant un rythme à la fois lent et délicieusement immersif Ridley Scott n'en oublie pas pour autant de nous plonger d'emblée dans le vif de son sujet - accompagné du leitmotiv musical énigmatique de Jerry Goldsmith au gré d'un générique d'ouverture pour le moins mémorable : l'espace. Sous toutes ses formes.
Tout est question d'espace(s) dans ce huis-clos spatial d'une maîtrise incomparable : alternant entre de longues séquences explorant toutes les possibilités d'un décor quasiment unique ( le vaisseau Nostromo ) et des plans de transition suggérant l'infinité spatiale Alien demeure un film pratiquement hétérotopique qui, sur le plan purement cinématographique, redéfinit entièrement la notion de lieu... Un lieu, un espace dans lequel "personne ne vous entend crier", une dimension constamment associée à l'idée de mort et à tout l'imaginaire qui s'y rapporte.
C'est cette topographie unique, presque hors-normes qui sous-tend l'atmosphère redoutablement anxiogène du film de Ridley Scott ; le cinéaste instille le suspense plan par plan, jouant sur les échelles et la profondeur de champ en cadrant bas le plus souvent, pour mieux créer le sentiment de rétrécissement et de menace primitive, grondante, rampante... En outre l'utilisation du silence ( héritage édifiant du fameux 2001 de Stanley Kubrick ) étaye admirablement la tension de ce huis-clos suintant, mélange fascinant d'organique et de robotique. Alien de Ridley Scott peut par ailleurs se targuer de détenir l'une des bandes-son les plus prodigieuses de l'Histoire du Cinéma, servant à merveille le récit tout en en constituant l'une des principales pistes de lecture. Oui, un chef d'oeuvre !