Alien vs Predator : la rencontre mal préparée

Assurer le retour d'une franchise connue et appréciée des années plus tard peut être une entreprise des plus compliquées, alors imaginez un peu quand il s'agit de deux franchises du même accabit qui doivent partager le même écran dans un duel dantesque... (merci l'amorce qui donne le ton de la critique)

Dans le coin gauche, Alien, dont la première occurence Made In Ridley Scott (qui réalise ici son second long-métrage) aura donné une référence dans l'hybridation horreur/science-fiction, dont la deuxième, menée par le seul et unique James Cameron (toujours accompagné de ses budgets faramineux), sera repoussée dans son univers avec en prime de l'action dynamitée à souhait, dont la troisième, dirigée par David Fincher (qui se rattrapera bien comme il faut par la suite), tiendra tant bien que mal la route tout en restant suffisament laborieux à regarder (malgré d'évidentes bonnes idées) et dont la dernière, orchestrée par Jean-Pierre Jeunet (quoi ?), flirtera sans vergogne avec la surenchère et l'absurde, à la limite du nanar. Autant vous dire qu'il y avait du boulot et de quoi redorer le blason après 20 ans d'exploitation.

Et dans le coin droit, Predator, avec une première escapade par John McTiernan (que l'on ne présente plus) plus que réussie proposant un alliage solide entre action brute et science-fiction épurée dans un univers sauvage, et ce avec un contrôle du cadrage parfaitement maitrisée, puis une seconde par Stephen Hawkins (que l'on ne présente pl... ah non) beaucoup moins marquante et ce malgré la présence d'un Danny Glover particulièrement motivé. Franchise certes beaucoup plus jeune, mais qui a le mérite de pouvoir être étendue davantage surtout avec une base aussi solide.

Alors, autant rentrer dans le vif du sujet : les films cross-over (et ici, je ne parlerai que de ceux sur grand écran) soit ça ne fonctionne pas, soit... soit ça ne fonctionne pas. Enfin disons pour nuancer que cela donne au mieux des films correct voir moyen, au pire des ignominies souvent symptômes d'ambitions démesurées, de mauvaises intentions de réalisation et/ou de compréhensions/visions limitées des univers adaptés, empêchant de les voir s'articuler convenablement (et je vous prie d'oublier les univers étendus qui sont pour moi un autre modèle encore). Et c'est fichtrement navrant, tant un format comme celui là peut proposer du contenu riche pouvant prolonger des enjeux défendus dans d'anciennes itérations de franchises (comme l'horreur claustrophobique et organique d'Alien ou la menace constante à la frontière du visible et de l'invisible de Predator... mais on y est pas encore)

Autant vous dire qu'avec un tel postulat, c'était plutôt mal parti, surtout avec des producteurs assez frileux à l'idée d'un tel projet. Pourtant réunir ces deux monstres sacrés du cinéma dans un seul et unique film, c'était vraiment la bonne idée, surtout avec le bon ratio des deux franchises réunies (3 films excellents contre 1 moyen et 2 passables) et la possibilité de voir s'incarner ensemble ces deux antagonistes célèbres dans un decorum SF pouvant imbriquer au mieux les deux univers, ou du moins tenir un lieu commun cohérent. D'autant plus que les comics "Alien vs Predator" existaient déjà. Et là, vous vous dites :

- C'est clair ! Franchement, y'a vraiment de quoi faire un truc béton... j'espère qu'ils vont prendre un réalisateur solide pour faire ce fi...

Paul W.S. Anderson...

- Serieux ?! Le mec qui a fait Mortal Kombat et Resident Evil ?!

Ouais...

- ...

C'est clair qu'on tombe de loin après Ridley Scott ou John McTiernan (du moins avant, car aujourd'hui ce n'est plus trop ça...), mais au moins on se dit qu'avec ce qu'a proposé Paul W.S. Anderson par le passé, on pourrait au moins s'attendre à quelque chose de nanardesque, et en définitive... c'est plutôt mitigé.

Pour partir sur ce qu'il y a de plus évident : oui, c'est du Anderson... ce qui signifie un bon gros paquet de clichés à tire-larigot. Parmis eux, l'on peut citer ceux tenant du scénario, comme celui de l'héroïne qui escalade une montagne ardue à une semaine de toute civilisation et qui reçoit un coup de fil (fluide qui plus es, déjà comment c'est possible ?) de personnes hautement placées lui demandant de l'aide et qui COMME PAR HASARD l'attendaient déjà au sommet avec un hélico. Ou encore comme celui de l'archéologue qui n'avance pas dans ses fouilles et qui évoque ses problèmes d'argents avec son collègue (Jurassic Park, c'est toi ?) en rentrant sous une tente random, ce qui permet aux mêmes personnes hautement placées présent dans la tente COMME PAR HASARD de rebondir sur le sujet. Je sais bien que l'on parle de timing calculé mais là, il y a peut-être de l'abus...

Et évidemment, l'on passe par les classiques clichés dans l'écriture des personnages : l'héroïne rebelle contre les grosses corporations dotée d'un grand sens moral, l'archéologue italien un peu beau gosse qui servira faute de mieux de sex interest, le scientifique anglais super calé en tout qui ne peut pas s'empêcher d'avoir l'air naif dans tout ce qu'il fait... et je pourrai en citer tellement d'autre, la liste est longue...

Mais si l'on enlève ce ramassis de clichés empilés les uns sur les autres, on ne peut nier qu'il y a pas mal de bons points à la décharge d'"Alien vs Predator", souvent contrebalancés par d'autres plus mauvais, à savoir : le respect du matériau d'origine, du moins pour les créatures qui sont aussi bien conçus en terme de design que dans leurs anciennes apparitions, ainsi que dans leurs caractères respectifs (le comportement particulièrement calculateur et vicieux des Aliens, ainsi que pour l'obsession de la chasse du plus fort et le respect de l'adversité des Predators), même si certains moment déraillent un peu niveau cohérence (le Predator faisant brièvement équipe avec l'héroïne ? Ah bon ?), voire complètement (les Prédators qui se font décimer ? Mais je croyais qu'ils avaient des aptitudes hors pair ? Et pourquoi ils ont pas leurs armes laser dès le départ ? Je parle tout seul ? Ah d'accord...).

Il en va de même avec les décors et les effets spéciaux qui ici sont plutôt convaincants, ce qui est assez surprenant quant on sait que ce sont sur ces mêmes points qu'Anderson a été moqué dans le passé (bien évidemment, cela est plus à la charge des responsables des decors et effets spéciaux que du réalisateur lui-même). En ce qui concerne les décors justement, si l'on relie le tout au scénario, le choix de placer le contexte de l'histoire en Antartique dans une structure millénaire enfouie sous la glace... est assez pertinent une fois considéré l'ensemble, puisqu'il s'agit d'une structure s'activant par les Predators à distance, abritant l'espece des Aliens que ces derniers ont découvert afin d'effectuer leur rituel de chasse. D'une part, cela a pour effet de justifier la nécessité des Predators d'arriver sur Terre, d'autre part, cela justifie également que les humains n'en ai jamais trouvé la moindre trace auparavant. Et même si l'histoire nous présente une pyramide synthetisant toutes les cultures humaines antiques, avec parfois des textes encore une fois tiré du cliché pouvant faire lever les sourcils d'étonnement aux premiers abords, force est de constater que les explications que nous donne le scénario sont suffisament cohérentes pour que l'on puisse y croire... et à ce titre, les décors sont suffisament travaillé pour nous faire aller dans ce sens.

Mais là ou le scénario pêche hélas, c'est sur ce choix discutable de trop s'attarder sur les humains qui sont sensés être plutôt relégués au second plan si l'on en croit ce que nous déroule le récit, ce qui a pour effet de forcer avec très peu de subtilité la caractérisation de certains personnages. Ce qui n'aurait pas été un si grand mal si cette caracterisation ne restait pas purement superficielle. Rien ne permets de placer les personnages présentés autre part que dans leur fonction dans le film et ne dégage de quoi les rendre mémorables (à l'exception de la présence de Lance Henriksen dans le rôle de Weyland, déjà présent dans la saga Alien). Car très souvent, cela n'apporte aucune valeur ajoutée, pire : cela terni davantage le propos du film, là ou il aurait pu proposer un autre cheminement sur l'impuissance des humains et leur capacité à faire contrepoids malgré cette faiblesse. C'était d'ailleurs ainsi que les personnages pouvait trouver une résolution dans les précédents films Alien ou Predator. Mais là non : ici on a rien de tout ça. D'ailleurs, la majorité des meilleures scènes du film sont souvent celles qui ne mettent pas en scène les humains, mention spéciale à la scène de combat entre l'Alien et le Prédator (sans grande surprise, bien sûr) plutôt bien montrée, bien que cette habitude à surcuter les scènes est franchement agaçante mais pas poussée dans ses derniers retranchements ici... ouf, j'imagine. Ce qui certes est plaisant à voir, c'est ce à quoi l'on peut s'attendre d'un film qui s'appelle "Alien vs Predator", mais qui malheureusement transforme des créatures initialement antagoniste en protagoniste... et ça, c'est plutôt une erreur de calcul.

Au final, il nous reste quoi ? Un film plutôt divertissant mais qui sera oublié en l'espace de quelques jours ou semaines... un bilan plutôt décevant donc, si l'on s'attarde sur ce qui est déjà sorti avant, car franchement il aurait pu être pire... mais il aurait surtout pu être bien meilleur. Alors oui, clairement, "Alien vs Predator", ça restera ce film qui aurait pu sans problème prendre le train en marche s'il n'avait pas trébuché lamentablement avant.

Pylgrim
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le 15 juin 2022

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