Alita à cœur ouvert...

Alita : Battle Angel est l’adaptation du manga éponyme Gunm (publié outre-atlantique sous le nom d’Alita) et voit deux monstres sacrés du cinéma américain faire alliance pour l’adapter. Robert Rodriguez et James Cameron unis main dans la main pour adapter ce projet qui était sur les planches de Cameron depuis plus de 15 ans… Je craignais énormément cette adaptation et j’avoue que je n’en voyais pas l’intérêt. Je la craignais fortement car j’avais du mal à imaginer comment adapter l’œuvre Kishiro de manière crédible. Et je n’en voyais pas l’intérêt car la thématique de rébellion contre des règles oppressant le bas peuple fixées par des classes supérieures dans une dystopie a déjà été le sujet de nombreuses sagas pour ados ces derniers temps. Néanmoins j’entretenais l’espoir secret (sans vraiment y croire) que cela aboutisse à quelque chose d'acceptable. Pourquoi ? Parce que c’est une œuvre majeure qui a beaucoup influencé ma petite adolescence. C’est donc bien à l’abri d’avoir vu la moindre image de bande-annonce ou autre que je me suis rendu dans ma salle obscure frissonnant au carnage que j’anticipais déjà…

Does it bother you that I'm not completely human?

Et c’est enchanté comme un roumain au salon de la caravane que j'en suis sorti !

Oui, le film n’est pas parfait. Surtout dû à son rythme trop rapide qui ne prend pas assez le temps de fixer l’univers et les différentes relations entre les personnages.

L’univers, bien que visuellement très beau, ne semble pas assez malheureux. La décharge est relativement trop propre et bien moins enclin à la perversion, aux vices et aux crimes en tout genre comme elle est présentée par le manga. Le côté cyber-punk y est amoindri. De plus il y fait toujours beau (c’est con mais de la pluie renforce toujours plus un sentiment de mal-être comparé à un beau soleil chaleureux). Les habitants sont trop souriants. On est exposé à quelques crimes mais on ne réalise pas que c’est omniprésent car on ne nous le fait pas ressentir. Les fans de ce genre d’univers auront le contexte au premier regard mais pas forcément le spectateur lambda...

Les relations entre les personnages évoluent vite, trop vite. Alita soupçonne son docteur en mécanique l'ayant reconstruite de meurtre et le lendemain l’appelle ‘papa’. Mais Alita ouvre les yeux sur la vie. Il faut la considérer comme un nouveau-né. Découvrant la vie à travers des yeux innocents. Voyant de la bonté là où les autres ne rêvent que de fuir. Et c’est également pour cela qu’elle vit une romance on ne peut plus niaise. Parce qu’elle est pure et que l’amour est complètement innocent pour elle. Elle est prête à tout pour ce qu’elle aime, car elle n'a rien à perdre. Elle ne possède rien, ni souvenir, ni identité. Rien sauf un cœur capable d’alimenter toute une ville en énergie pour les cent années à venir…. Et la voie du cœur a toujours été la voie la plus rapide !

I'd do whatever I had to for you. I'd give you whatever I have. I'd give you my heart.

La trame scénaristique suit le premier arc du manga. Mais celle-ci se décompose autrement que dans le manga afin de correspondre au format hollywoodien de 2 heures. Les séquences de motorball (qui était la partie vraiment trippante du manga mais n’intervenant pas dans cet arc de narration) se passent assez rapidement et n’exploitent pas le potentiel du truc. D’autant que ce qui sert de jeux du cirque pour apaiser une foule prête à exploser à tout moment prend ici une dimension politique pour un accès à Zalem (la cité supérieure où seule l’élite peut y vivre).

Mais c’est visuellement que l’on se prend une claque ! Les animations sont belles, les combats sont fluides, la 3D est de bonne facture et s’intègre très bien au tout. L’univers dans lequel Alita évolue est fantastique, on oublie que derrière tout ça, il y a des fonds verts et on se laisse porter d'un air béat.

Le traitement des yeux d’Alita qui aura fait couler tant d’encre donne super bien et la rend super attachante. Elle représente l'innocence et la force pure comme elle le faisait dans le manga tout en se métamorphosant d’enfant avec son petit corps délicat sculpté de jolis ornements à une femme sûre de ses capacités en retrouvant son corps de soldat. On peut dire ce que l’on veut mais c’est bien foutu. Et ce qui faisait aussi une grande particularité du manga Gunm, c’était ce contraste entre la beauté innocente d’Alita et la violence inouïe dégagée lorsque que son instinct de combat prend le dessus en situation de danger. Bien entendu ici, la violence est fortement édulcorée mais reste néanmoins abondamment présente pour que cela soit toujours le cas.

You’re the most advanced weapon ever. But that’s just a shell. It’s not bad or good. That part’s up to you.

Les seconds rôles font le job avec mention particulière à Vector joué par Mahershala Ali qui est saisissant tellement on dirait qu’il a pris vie des pages du manga ! Quand je le regardais, je voyais les pages de ma BD prendre vie. Malheureusement son rôle n’offre pas beaucoup de possibilité d’acting pour cet acteur de grande qualité. Je regrette un peu que les méchants soient si nombreux parce qu’au final on ne saisit pas, à mon sens, très bien d’où vient la menace réelle dans le film. Le manque de moment pour créer une atmosphère et arriver à un climax renforce cela. Car comme on navigue d’une menace à une autre sans relâche, on a du mal à forger une tension réelle s'intensifiant et à concrètement réaliser quelle menace est véritablement sérieuse (surtout qu’elles sont généralement indirectement proportionnelles aux déferlantes de puissance visibles à l’écran).

I’d rather rule in hell than serve in heaven.

La musique n’est vraiment pas ouf. Cela manque d’un thème emblématique évoquant le réveil de la puissance du personnage. Et on reprochera aux dialogues de manquer de profondeur et de beaux phrasés. Mais honnêtement je ne m’attendais tellement pas à ce que cette adaptation soit si bonne et que cela me donne envie de voir une suite que la fin me tease ouvertement que je ne peux pas qualifier cela de réellement dérangeant.

Bref, je suis triste de voir que cette très bonne adaptation, pas parfaite certes, va rencontrer un insuccès complet et se faire démolir par la critique populaire alors que des bouses comme Aquaman battent les records en salle…