All-In
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Documentaire de Volkan Üce (2021)

Tourisme de masse sur la riviera turque

Dans All-In, de jeunes hommes turcs quittent leur village rural pour rejoindre un centre de vacances all-inclusive sur la riviera turque, où ils viennent vendre leur force de travail. Pleins de bonne volonté, curieux, avec l’envie sincère de découvrir un univers inconnu, ils se confrontent à un monde qui ne leur appartient pas : celui des touristes internationaux, pour qui ils ne sont que des silhouettes discrètes, des travailleurs interchangeables.


Le film ne force jamais le trait. Tout se joue sur un contraste subtil, sans caricature : entre ces jeunes hommes pleins d’illusions sur le travail et les clients occidentaux qui incarnent à leurs yeux la joie de vivre, la réussite, et pourtant se révèlent souvent ridicules, égoïstes, déconnectés. La caméra capte avec un humour discret ces moments absurdes où les comportements des touristes dévoilent leur vacuité.


Le cœur du documentaire, c’est bien ces jeunes travailleurs, que l’on voit s’user à la tâche, enchaîner les heures, mais aussi rêver d’Europe ou des États-Unis, malgré les désillusions évidentes. On ressent à la fois leur lucidité et leur attachement à cet ailleurs fantasmé.


Il y a un vrai plaisir à les voir, parfois, s’approprier furtivement les espaces du complexe hôtelier : accéder aux piscines, aux animations, profiter un instant de ce monde qu’ils contribuent à faire tourner sans jamais en être les bénéficiaires. Ce sont des moments furtifs de réappropriation, presque politiques, dans un système où ils ne sont propriétaires de rien.


Autre plaisir : les scènes de camaraderie dans les chambres des travailleurs, où l’on découvre leur personnalité au-delà de l’uniforme. On découvre leur érudition, leur humour, leur bienveillance. On s’attache à eux, on les regarde comme des individus, et non comme des figures anonymes du service.


Au-delà du portrait humain, le film offre aussi un regard plus large : celui d’un basculement dans l’imaginaire. L’Occident, ici, ne fait plus vraiment rêver. Le mythe s’effrite. Et pourtant, le marché mondial maintient son emprise : ces jeunes hommes reviendront sans doute, saison après saison, parce que leur survie en dépend.


All-In donne à voir, sans discours appuyé, une réalité simple et pourtant peu montrée : celle d’un tourisme de masse qui repose entièrement sur l’exploitation des peuples du Sud global, où seul l’argent et l’exploitation maintiennent debout un système objectivement absurde et indéfendable.



Lucas-Leroux-CLP
8

Créée

le 15 juil. 2025

Critique lue 12 fois

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