Cas typique de l’œuvre immédiatement magnétique qui en suggère beaucoup plus qu'elle ne développe au final. C'est assez dommage, car le film partait très bien. Présentation des personnages fonctionnelle (sourire de carnassier commercial de Laurent Lucas, façade polie de Gloria cachant l'attachement maladif). Et comme toujours, imposition immédiate du style visuel de Fabrice, image granuleuse parfois à la limite de l’écœurement, et ces éclairages variés question couleur, conférant un petit côté giallo, très axé lui aussi sur l'usage des gros plans. Mais malgré la proximité sentimentale et le côté toujours sensitif (gros travail sur le son), Alléluia contient peu de séquences marquantes. De séquences où l'amour fusionnel promis devient réellement palpable, où la folie des acteurs s'exprime pleinement. L'affiche ne s'est pas trompée, elle met en tête de gondole la seule séquence où c'est palpable  : la troublante danse autour des flammes en accéléré, où le ballet de nos acteurs vire sur la transe fusionnelle. On peut également citer les séquences de meurtres, où la jalousie de Gloria explose en séquences de meurtres toujours efficace. La séquence pendant le générique de fin est elle aussi ultra efficace dans sa densité d'ambiance, elle tient véritablement jusqu'à la fin du générique. Et c'est pendant pareilles séquences qu'on sait pourquoi du Welz doit être préservé dans le paysage cinématographique. Mais si Colt 45 a viré au cauchemar du différent artistique, Alléluia est un film avorté. Avec des malformations et des idées aberrantes. La séquence où Gloria affirme vouloir aider Michel dans ses besognes, elle est totalement plate  ! C'est pourtant à cet instant que devrait s'ouvrir l'amour fusionnel, et aucun sentiment ne s'exprime pendant la séquence, ou alors de façon superficielle au possible. L'abandon de la gamine de Gloria sonne comme une maladresse assez préjudiciable à la cohérence du récit. Il fallait la buter, la gamine. L'amour fou et fusionnel au prix de tous les obstacles et toutes les contraintes. Assumer la monstruosité et vivre. Mais le film reste en demi-mesure sur la question, tout comme il hésite à la fin à tuer la gamine qui fait à nouveau obstacle. Autre faute impardonnable  : la séquence chantée dans la cuisine après le premier meurtre. Possession qui vire aux triplettes de Belleville  ? Mais c'est mauvais, Fabrice  ! Comment as tu pu laisser passer cela  ? Enfin, le film ne se conclut pas. Et ça aussi, c'est frustrant. Merde, Fabrice, la scène du générique est jolie, mais c'est une fuite qui ne fait pas exploser l'amour ou l'angoisse. Et je ne parle pas des scènes de grimace de Laurent Lucas, qui m'ont bien fait hausser le sourcil à chaque apparition. Alléluia, avec sa violence enfiévrée et son climat amoureux, aurait pu devenir un gros film de l'année, c'est un petit drame amoureux avec quelques fulgurances. L'ambiance musicale et sonore vaut presque plus que les images d'ailleurs, l'obsédant thème principal ayant le don de capter totalement l'attention. Encore une fois, mieux vaut prendre le film comme support et laisser ses propres idées se bâtir dessus, la maladresse de certains passages l'empêchant d'atteindre les ambitions promises.

Voracinéphile
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le 28 nov. 2014

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