Sorti en 1996, le film de Michael Corrente est un pétage de plomb en huis clos avec à sa tête un Dustin Hoffman survolté et un Dennis Franz à la quiétude presque insolente. Un équilibre imparfait avec comme point d'ancrage le personnage de Bob (Sean Nelson), gamin paumé pris malgré lui sous l'aile des deux acolytes.
En adaptant la pièce de David Mamet, Corrente enferme littéralement son trio - il n'y a qu'eux de toute façon - et provoque une sensation d'esseulement. Les rares plans extérieurs sont vides d'êtres humains. La seule véritable présence est le son lointain d'un sirène de police. Intime et étrange, l'atmosphère tend presque à tendre vers un cloisonnement surnaturel à la In the mood for love. Mais l'on est très loin du style escompté...


Dans la lignée des films américains indépendants de l'époque, à travers les figures de Jarmusch, Wenders, Van Sant ou Clark, la production s'auto-dispose de moyens réduits pour laisser une place majeure à l'interprétation. Il s'agit ici, sans aucun doute, du dernier grand rôle de Dustin Hoffman si l'on écarte sa performance dans Le Parfum près d'une décennie plus tard. Acide, dur, nerveux, le jeu incroyable de l'acteur pourrait faire penser à un Patrick Dewaere période Série Noire. Un comble lorsque l'on sait que le comédien français doublait son confrère américain dans Le Lauréat. C'est dire si l'investissement est grandiose. En bref, il s'éclate.


American Buffalo peut s'apparenter à un flingue, ils sont à cran - rappelons que le scénario tourne autour de la préparation minutieuse d'un braquage -, prêt à détonner, la sécurité retirée, un mauvais pas, une mauvaise manipulation et le coup part. Corps animés et inanimés se croisent, s'entrecroisent, c'est une valse de pantins. Hoffman, encore lui, dans le rôle de Teach (nom assez ironique tant il aurait à apprendre de son jeune apprenti) est un véritable élément de décor ambulant tant il s'approprie son environnement, en l’occurrence une boutique antiquaire.


Afin de maintenir une tension permanente, le film dispose d'une composition musicale très faible, pour ne pas dire faiblarde. Les rares instants musicaux sont des cordes sinistres et cinglantes à l'instar des cordes frémissantes de Bernard Hermann précédant le meurtre de Marion dans Psychose. On peut toutefois reprocher à Corrente le manque de sollicitation envers Thomas Newman surtout lorsque celui-ci se retrouve au sommet quelques temps auparavant avec Les quatre filles du Docteur March ou encore Les Évadés.


Peut-être le futur compositeur d'American Beauty s'est senti peu inspiré face à la monotonie d'American Buffalo - intéressant "diptyque spirituel" au passage - et sa réalisation sans saveur. Le magnifique trio a beau se donner corps et âme en se balançant au sens propre des punchlines en pleine face, le champ-contrechamp sera toujours là pour rendre la plupart de leurs interactions vides et ennuyeuses.


American Buffalo, ou l'histoire d'un défouloir à demi-teinte, une explosion sans étincelles.


On en oublierait presque l'objet - au titre éponyme - à l'origine de ce foutoir : une pièce de monnaie américaine gravée d'un buffle dont la valeur serait inestimable, source de la motivation des trois gaillards du futur pillage. Un sujet balayé aussi rapidement que cette fin bien trop expéditive.

KINOEIL
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le 20 déc. 2018

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