L'histoire : Melvin (Stephen Dorff), un raté alcolo et drogué perd la garde de son fils. Utilisant jusqu’ici ses super-pouvoirs pour s’amuser, il va tout faire pour regagner l’estime de son ex-femme, et in fine espérer retrouver le droit de visite de son enfant.


9ème film du réalisateur britannique Nick Love, mais premier film distribué dans l’hexagone (à ma connaissance), AMERICAN HERO affiche la couleur dès son poster. Ici nulle tromperie sur la marchandise, bien que le film puisse ravir ou décevoir en fonction des attentes de chacun. Le film plante le décor dans une Nouvelle-Orléans peuplée de junkies, chômeurs, alcolos, gangstas… bref la marge est devenue le centre. Et notre cher Melvin, tout doté de supers-pouvoirs, n’échappe pas à la règle. Il est même pire que ceux qui l’entourent par certains aspects. AMERICAN HERO n’est en rien un film « social », puisque jamais le réalisateur ne tentera de donner une explication à cette misère endémique. Il faut plutôt y voir la fascination envers la figure du white trash, un individu placé dans la « hiérarchie raciale » des USA en dessous de l’homme noir. Cette figure sert d’épouvantail à la classe WASP (le quarantenaire blanc, riche et protestant) lui rappelant jusqu’où il peut tomber s’il ne poursuit pas, comme il se doit, le rêve américain.


J’avais déjà critiqué vertement le documentaire The Other Side qui, s’emparant du même monstre social qu’est le white trash, prenait finalement la forme d’une fiction sans avertir. Les problèmes éthiques soulevés par un tel procédé sont nombreux : entre autres, nous faire croire à une réalité crue alors que tout est monté de A à Z pour la caméra placée à un endroit « impossible » pour un documentaire d’observation. J’étais donc particulièrement intéressé de voir le traitement inverse, à savoir un faux documentaire qui prétendait clairement être une fiction. Sans appartenir au sous-genre « mockumentary » (dans lequel, on se moque du documentaire en reproduisant ses codes), AMERICAN HERO flirte avec le found footage. On nous présente le film comme un portrait du protagoniste (Melvin), avec en reflet l’équipe de tournage dans les premiers plans. Par contre, une fois que les choses s’enveniment avec coups de feu et bagnoles qui fendent l’air, ni le caméraman ni le perche-man ne semblent s’émouvoir outre-mesure. Aucun des techniciens de l’équipe de tournage ne fuira ou ne s’abritera devant le danger.


Dans le même genre du found footage, l’intelligence de Chronicle était de faire bouger la caméra par télékinésie. Les héros n’avaient donc absolument pas besoin d’équipe technique pour couvrir leurs actions. On pouvait voir dans ce film une évolution astucieuse de la mise en scène en fonction de qui commandait à distance la caméra. Dans AMERICAN HERO jamais Melvin ne prend le contrôle de la caméra alors qu’il est doté des mêmes pouvoirs de télékinésie. Y compris dans les situations touchy où il pourrait proposer à l’équipe de tournage de rester planqué et d’amener avec lui la caméra. On remarquera aussi qu’il ne s’adresse que trop rarement à la caméra. Les quelques ruptures du 4ème mur font davantage penser aux blagues de Deadpool qu’à une réflexion sur notre rapport aux images.



« La principale attraction c’est bien l’acteur Stephen Dorff, tout en cabotinage et délire éthylique »



En même temps que j’écris ces lignes, je suis très conscient d’en demander probablement trop à ce film. Si vous cherchez un divertissement qui aligne les punch-lines et quelques gags visuels, vous passerez un très bon moment. Sauf que sous le film pop’ il y a comme une sous-couche méta qui n’est pas explorée, laissée à l’état latent. Et c’est bien dommage. En plaçant son héros destroy dans une Nouvelle-Orléans post-Katrina, il y avait matière à dresser en creux une critique de toute la gestion du précédent président des États-Unis, Georges W. Bush, ou de mettre à mal le bilan d’Obama et les espoirs qu’il a suscité. Sauf que le propos du film se contente de suivre les hauts et bas émotionnels de Melvin, sans jamais questionner le contexte dans lequel il évolue. La misère de AMERICAN HERO est donc un simple décors.


Niveau évolution du personnage principal, on a tout de même droit à quelque chose de plus fouillé que dans Hancock qui s’empêtrait dans ses histoires débiles d’anges déchus. Ici on rencontre un super-héros entièrement humain, et on dit : enfin ! Car le principal atout du film de Nick Love c’est d’apporter un antidote aux héros trop lisses en costume lycra-synthèse par un caractère bien trempé de son personnage principal. Pour autant, Melvin ne questionnera jamais sa trajectoire ascendante de justicier, malgré une péripétie qui met grave dans la panade son meilleur pote. A tout instant on sent le film prêt à décoller vers de véritables problématiques sociales (le port d’arme, l’addiction, l’éducation, la pauvreté, etc.) mais Nick Love l’en empêche au dernier moment, de peur peut-être de perdre de son côté commercial.


La principale attraction c’est bien l’acteur Stephen Dorff, tout en cabotinage et délire éthylique. Il convient parfaitement au rôle et son obsession pour retrouver le droit de visite de son enfant le rend très attachant. Plus qu’un être exceptionnel, on gardera de ce faux documentaire l’impression d’avoir côtoyé un super gars avec qui on aimerait boire une pinte de bière, un mec en or qui mérite bien de voir son gamin malgré la merde dans laquelle il s’est enfoncé. Sans être la fresque sociale ou le blockbuster intimiste qu’on aurait pu rêver, AMERICAN HERO est un film simple et généreux, à l’image de son personnage principal.


Par Thomas, pour Le Blog du Cinéma

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le 7 juin 2016

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