Depuis sa consécration lors de sa sortie, la réputation d'American History X n'a jamais flanchée, toujours soutenue par des torrents d'éloges et de reconnaissance publique n'ayant d'égal que Fight Club (ce qui fait d'Edward Norton un beau petit malin d'avoir donné le paquet sur ces deux projets qui éclipsent la médiocrité de son jeu sur de nombreux autres...). C'était suspect autant d'adhésion, un produit consensuel bien manichéen suivant l'avis commun. Aussi ai-je décidé de le revoir, et curieux revirement, le film se révèle bon, bien que parfois assez flou dans sa pensée.


Le film prône immédiatement la bonne attitude vis à vis de l'apprentit Néo nazi qui rend son devoir sur Mein Kampf, puisqu'il refuse le rejet catégorique (la méthode souvent employée avec le lynchage moral publique) et prône le travail sur soi même et la réflexion personnelle. C'est déjà un angle suffisamment sain et raisonnable sur un sujet comme l'idéal néo-nazi pour s'ouvrir un peu plus au film et continuer à suivre sa pensée. Et c'est en cotoyant les néo nazis que le film va donc se lancer dans le désamorçage, puis la rédemption (qui n'avait rien de promise au vu de cette introduction qui en aura marqué plus d'un, le noir et blanc rend décidement Norton assez impressionnant, avec son regard acéré).


Il y a quelque chose de très fort dans American history X, c'est qu'il laisse le néo nazi développer considérablement son discours. Alors que la plupart d'entre eux se contente d'une contribution rachitique et d'une attention soutenue (la petite amie montre très vite ses limites sur le plan de la réflexion, complètement dominée par ses sentiments et ses envies de force), Derek parle et d'un certain côté fascine pour l'enchaînement constant de paroles qui semblent toujours l'amener dans la direction qu'il s'est choisit, et qu'il a adopté en conséquence, comme un réflexe défensif envers l'invasion étrangère qu'il décrit tous les jours. Cette dernière est une réalité, de même que la prospérité des juifs dans la finance américaine qu'il décrit comme corrompue (et personne ne pourra contredire ces faits). Mais les actions violentes qu'il prône ne s'exercent jamais dans un réflexe constructif, tout au plus peut il agir en formant une sorte de gang, il y a là au moins l'euphorie d'avoir tenté quelque chose qui ne changera rien au final (la mise à sac de l'épicerie chinoise). Le constat et l'immersion, plutôt réalistes, ont un regard lucide sur les ambitions de Derek et la portée de ses discours, au delà du simple réflexe xénophobe. Puis arrive la scène méchante du trottoir (efficace avec son ralenti, j'admet), et la prison qui avait peiné à me convaincre elle aussi. Tout réduire à la scène de sodomie était une erreur, l'évolution en milieu carcérale prive d'abord Derek de son principal soutien : l'éloquence (et dans une moindre mesure sa position de chef). Plus personne n'écoute ses discours en dehors de la réalité carcérale (au delà des murs, on se fout des problèmes économiques...), et son mépris vis à vis de ses congénères blancs lui vaut bientôt la petite sodo des familles. Le film en profite pour planter (mauvais choix de mot) dans l'infirmerie une petite scène intimiste qui pose assez astucieusement les bases du changement de Derek, qui finit d'ailleurs par être totalement ignoré, assurant sa métamorphose dans un coin de cellule.


La fin souhaite partir dans la tragédie car les choix radicaux qui amorcent de tels déracinements doivent coûter, ici particulièrement cher, mais la voie de la non violence a aussi ce prix. La xénophobie telle qu'elle est décrite dans le film n'est pas foncièrement inéluctable comme le parcours de Derek l'a démontré. C'est en revanche dommage que le jeu d'Edward Norton faiblisse autant à ce moment là, sa grimace ne m'ayant pas convaincu une minute. Et il y avait cette petite séquence un peu étrange en noir et blanc pendant laquelle le père parlait de "littérature de nègre" et de "vraie littérature". Il est un peu regrettable qu'il ne développe pas davantage, son idée se retrouvant réduite à une simple xénophobie culturelle alors qu'elle pouvait aussi signifier une incitation à se perfectionner aussi dans des ouvrages représentatifs de leur culture américaine traditionnelle.


Quelques petites imperfections qui n'entâchent cependant pas les préceptes qui dirigent la pensée générale du film, et l'éclairage plutôt immersif qu'il donne du milieu néo nazi, de façon nettement moins caricaturale qu'un navet comme Le droit de tuer. Pas mal quand on voit les instruments de propagande façon La marche qu'on se tape en France.

Voracinéphile
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le 20 oct. 2015

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