Vous n'avez rien compris et ne voulez rien comprendre

Je me permet d'écrire une critique pour essayer de contrebalancer tous les gens qui n'ont apparemment pas cherché à comprendre le propos (éminemment politique) du film.

Le concept de la purge avait ce problème d'être complètement sous-exploité dans le premier film, qui s'était retrouvé à n'être qu'un film d'home invasion où l'élément scénaristique "purge" ne servait vaguement qu'au début, et ensuite pour dire "la famille doit survivre jusqu'au petit matin". Bref j'étais de ceux qui étaient très intrigué par ce truc, et j'avais été très déçu que le film ne cherche pas vraiment à élaborer sur son prémisse.

Notamment, le pourquoi de la purge : dans le premier film et les suivants, la purge est une politique présentée comme visant à "purger" la violence de la société une nuit par an pour faire diminuer la criminalité le reste de l'année, et résoudre les problèmes du pays. Bon d'entrée de jeu, c'est n'importe quoi, la délinquance et les actes criminels sont les résultats de la pauvreté et des différentes politiques de criminalisation menées par un état, et c'est certainement pas dû à des "pulsions" qu'il faudrait purger de temps en temps.

C'est pour ça que j'étais hyper sceptique à l'annonce du premier film. Mais les choses ont changé avec le second, où il devient clair que ce propos concernant la purge n'est en fait que la justification politicienne de cette politique, justification apportée par un parti au pouvoir ultra-conservateur et dictatorial.
Dans le second, le troisième et le quatrième film, l'analyse de la purge qui émerge c'est celle selon laquelle c'est en fait une occasion que s'octroie le gouvernement pour financer des escadrons de la mort qui massacrent des quartiers pauvres entiers (point de vue étayer par les choix scénaristiques du film qui choisit de nous montrer cela). On est tous et toutes d'accord que c'est l'angle du film, cependant ce qui m'énerve là c'est que des gens font "olala caricatural", et du coup je vais essayer de vous expliquer en quoi le film (et les deux précédents) ont au contraire un traitement très pertinent du sujet.

Pourquoi la purge servirait à tuer les pauvres ? Parce que le prémisse de The Purge c'est que les Etats-Unis sont en grave crise économique, et que, c'est pas nouveau, il y a toujours du monde pour rejeter la faute d'une crise économique sur les personnes en bas de l'échelle, qui perçoivent des aides et ont besoin de services publics. La méthode classique des politiciens qui adoptent ce point de vue c'est de couper les dépenses publiques et de laisser les classes populaires mourir à petit feu, développer des taux de criminalité et de chômage gargantuesques, etc. C'est la méthode Reagan-Thatcher-Macron-Trump en gros. Ce que la franchise The Purge imagine en revanche c'est : que ce passerait-il si un gouvernement décidait de se débarrasser des pauvres de manière plus brutale, de tout simplement les tuer par milliers ? Et en gros la purge c'est le moyen trouvé pour faire ça. Ce qu'on a là c'est finalement juste du malthusianisme pro-actif, au lieu de laisser des milliers de gens mourir parce que "de toute façon ils sont trop nombreux", ils vont accélérer le processus. C'est un peu tiré par les cheveux de penser qu'un gouvernement en arrive là (quoi que pas vraiment si vous voulez mon avis) mais c'est lea prémisse du film. Le malthusianisme existe encore en 2019, il est encore populaire (coucou les fans de Thanos) et le traiter de la sorte est parfaitement à propos.

Ensuite pour comprendre comment on en arrive à l'idée de la purge, et bien ce film donne justement pas mal de clés (toutes mêmes hein). D'abord, il faut se mettre dans la tête de la droite dure américaine, pétrie de conservatisme, de religiosité mal digérée et évidemment de haine féroce des pauvres et de racisme. La malthusianisme conçoit les couches inférieures de la société comme presque génétiquement disposées à la violence. Les classes populaires sont perçues comme des sauvages, encore plus lorsqu'une part significative de ces classes n'est pas blanche. Ça c'est une première chose. La seconde c'est que, quand on est de droite et qu'on considère que la société n'existe pas, que la criminalité et la violence sont des prédispositions génétiques, on est assez enclin à croire que ce j'ai décris au début : la violence c'est truc naturel et si tu peux l'expurger après ça va. L'idéologie religieuse cheloue du parti au pouvoir est très fan de ce truc (cf. 3ème film). Mais ici dans le 4ème on a un autre versant de la chose : le gouvernement utilise les travaux de recherche d'une psychologue pour justifier son expérience. Que ces deux aspects interviennent n'est pas contradictoire (on parle d'une dictature d'extrême-droite, ya rien de fondamentalement contradictoire).
La question qui vient ensuite c'est : est-ce que si on autorise tous les crimes, les gens vont s'entretuer ? Que les gens s'entretuent, c'est le but du gouvernement ici (normalement j'ai expliqué pourquoi là). Les nouveaux Pères Fondateurs espèrent que oui ça va marché, parce qu'ils considèrent les gens sur Staten Island comme des sauvages, etc. Dans les autres films, on a vu que la nuit de la purge, c'est effectivement un peu ce qu'il se passait, il y avait des gens dehors qui tiraient sur tous ce qui bouge. Sauf que là, bah ça marche pas en fait, les gens font du tapage nocturne, cambriolent des DAB, jusqu'à ce qu'un tueur en série envoyé sur l'île par le parti s'en mêle, et qu'ensuite le secrétaire d'état en charge décident d'envoyer des milices néo-nazi faire le sale boulot.

Donc le propos du film c'est : non les gens, même dans les quartiers pauvres, ils vont pas s'entretuer pendant la purge, sauf si tu envoies des fachos dont c'est le rêve de tuer des afro-américains ou que tu paies des mercenaires pour ça. Est-ce que c'est caricatural ? Non, car la problématique des meurtres de masses aux US elle est pas nouvelle. Et là dessus il y a un constat : si la criminalité élevée coûte la vie à beaucoup d'américains en particulier noirs et latino, les massacres purs et simples de dizaines de personnes restent des actes commis ultra majoritairement par des blancs, soit contre leur communauté, soit contre des minorités (auquel cas c'est en fait du terrorisme), et sans surprise une grosse partie des ces meurtriers sont des suprémacistes blancs.

EDIT : le dernier paragraphe est resté terriblement d'actualité malheureusement. Mais pour mieux conclure ma critique : le film a parfaitement compris qu'une purge ça ne marcherait pas sans que le pouvoir fasse en sorte qu'elle marche, c'est à dire en incitant les gens à commettre des massacres et en engageant des escadrons de la mort. Et sur ça le film n'est pas attaquable et parvient à boucler le traitement du concept de la purge, à quoi il sert, comment il fonctionne et comment il a été mis en place.