Héritage et racines : touchant mais inabouti

Le comédien Mathieu Demy passe de l’autre côté de la caméra en réalisant Americano, son premier long-métrage. Une sorte de road-movie, de retour sur les traces du passé à Los Angeles, puis à Tijuana à la frontière mexicaine. D’abord à Los Angeles que Martin – interprété par l’acteur lui-même – rejoint suite au décès de sa mère restée vivre en Amérique alors qu’il a rejoint la France et son père avant ses dix ans. Ensuite au Mexique sur les traces d’une certaine Lola, devenue l’amie – ou la fille de substitution – de sa mère. Se pencher sur son passé, quand il a un goût douloureux d’inachevé ou d’inaccompli, n’est jamais tâche facile. En s’envolant pour la côte ouest des États-Unis, Martin, dont la vie sentimentale avec Claire connait un passage à vide, parti pour régler les formalités administratives (rapatriement du corps et liquidation de la succession), ignore ce que le voyage va lui apporter et réveiller en lui.

Le fils du cinéaste Jacques Demy et de la documentariste Agnès Varda livre un film intimiste et sensible, marqué par la place prépondérante de la mémoire et des souvenirs. Ceux du jeune homme lui reviennent par flashs et sont illustrés par des extraits de Documenteur, le film réalisé en 1981 par Agnès Varda, œuvre de l’exil d’une mère et de son fils à…Los Angeles dans lequel Mathieu Demy campe son propre rôle à huit ans. Sans être un film hommage ni figé dans la posture révérencieuse, Americano n’en multiplie pas moins les clins d’œil à l’œuvre de ses parents. Outre l’inclusion du documentaire de sa mère, le choix du prénom Lola, danseuse elle aussi dans un cabaret, la récurrence du motif de la mer, les travellings dans les rues de Tijuana sont autant de signes qui ne trompent pas sur la filiation et l’inspiration. Mathieu Demy n’en est jamais prisonnier et parvient à créer son propre univers. Ainsi, en dépit de quelques imperfections (scénario un peu trop volontariste et prévisible), le film n’est pas dépourvu de charmes, naviguant dans des eaux troublées par le caractère lunaire et décalé du personnage de Martin et par la localisation au sein d’un endroit interlope et dangereux, contrastant de fait avec la candeur naïve et enfantine de Martin.

En faisant confiance à la puissance de la nostalgie et à la force de la mémoire, Mathieu Demy réalise un premier opus doux et sensible, une escapade dans laquelle nous le suivons volontiers et honore sans lourdeur et avec tendresse l’héritage de ses illustres parents.
PatrickBraganti
6
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le 20 janv. 2012

Modifiée

le 25 août 2014

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