Angel-A
4.9
Angel-A

Film de Luc Besson (2005)

On devrait tous avoir pour Angèle de l'adoration (mais non)

Qu'es-ce que vous voulez sauver d'un machin pareil ? Qu'est-ce qui peut bien justifier de noter la chose 3/10 (notez, ça aurait pu être 2 aussi, ou 4... non, pas 4, trop proche de la moyenne. 3 c'est bien, de toute façon c'est arbitraire, c'est juste manière de signaler : "attention, film pas bon").

Allez, une chose, qui du reste n'est pas un détail : Jamel Debbouze.

J'ai toujours eu de l'affection pour ce garçon. Son œil qui pétille de malice, sa tchatche d'enfer, sa dégaine improbable. Il joue toujours un peu la même chose, mais il le fait bien. Comme Bacri, avec qui il s'était lié d'amitié, excellait dans le sempiternel rôle de bougon (plus ou moins) au grand cœur.

C'est d'ailleurs pour Jamel que j'ai fini par me lancer dans le visionnage d'Angel-A. Cela fait longtemps que je n'attends plus rien de Besson, dont j'ai aimé le cinéma quand il était à son faîte et que j'étais son coeur de cible (12-25 ans, à la grande époque allant du Grand Bleu au Cinquième Elément, grosso modo). Depuis, je n'ose plus trop revoir les films en question, de peur de les regarder avec mon oeil d'adulte quarantenaire prêt à sacrifier ses idoles de jeunesse sur l'autel de l'honnêteté et de les jeter à la poubelle, beaux souvenirs compris, avec le reste.

Donc, Jamel.

Plutôt pas mal servi par les dialogues (il est le seul dans ce cas), le comédien tient le haut de l'affiche avec un certain panache, la gouaille qu'on attend de lui, mais aussi de l'émotion assez brute pour camper ce personnage de marlou, moitié menteur compulsif moitié poissard congénital, qui patauge mal dans la mare de ses conneries tout en devant composer avec un mal-être en granit et une image de lui-même déplorable.

Pour l'argument général, c'est nul, convenons-en : à force de faire n'importe quoi, il doit un paquet de pognon à des gens peu recommandables (Gilbert Melki et Serge Riaboukine, en mode trogne de cinoche et méchanceté de serpent, sans grande subtilité hélas), et s'il ne restitue pas la maille dans les temps, il ira nourrir les poissons par la racine.

Bravo Monsieur Besson, c'est très original, on n'a jamais vu ça nulle part. (Sinon dans la plupart de vos productions, généralement affligées d'un "scénario" de votre cru, qui montrent votre incroyable propension à ne jamais vous renoulever ni élever le débat cinématographique plus haut que le bitume de votre hit à suites, Taxi).

Pour le reste, ce n'est guère mieux, et quitte à être sincère, autant avouer que c'est même pire. Voilà-t-y pas qu'au moment de se foutre en l'air, après de longues minutes de tergiversations sans relief ni intérêt, l'ami André (alias Jamel, donc) voit une bombe atomique se jeter du même pont que lui. Sauvetage, reconnaissance de dette, tiens comme par hasard la bombe en question serait plus ou moins ange gardien - révélation que l'on cueillera avec un dédain moqueur au milieu du film, au cours d'une de ces innombrables et interminables scènes de dialogue qui plombent le récit en cachant que de récit, à vrai dire, il n'y en a guère.

La bombasse (pardon de la rabaisser à ce qualificatif injurieux, mais elle a été embauchée pour ses mensurations, pas pour son C.V. d'actrice) est interprétée par Rie Rasmussen, dont la carrière éclair a commencé chez Brian De Palma en 2002 (excusez du peu, quand même) avant de partir en fumée à l'orée des années 2010 avec son deuxième film comme réalisatrice, un certain Romance in the Dark qui n'aura pas marqué les esprits.

Quand je dis "carrière", je suis sympa, puisque Rie a d'abord été mannequin, et c'est sans doute pour cela que Besson l'a embauchée, confirmant son goût légendaire pour les jeunes actrices canon et sa tendance à les mettre tôt ou tard dans son lit (coucou Rosanna Arquette, Milla Jovovich et consorts) - même si rien n'indique que ce fut le cas ici, et honnêtement on s'en fout. (Enfin moi, oui. Lui peut-être pas, mais c'est son problème.)

Dans un Paris étrange, le plus souvent désert et aplati par un noir et blanc rarement inspiré, l'absence totale de talent de Rie Rasmussen éclabousse la toile sans aucun répit pour le spectateur.

Certes, elle est Danoise, et visiblement peu familière avec la langue de Molière. Mais cela n'ajoute rien à son charme, que Besson résume du reste à une perruque blonde (dont la coupe évoque bizarrement celle de Natalie Portman dans Léon), des poses lascives, des lignes de dialogue pathétiques, une allure de "pétasse" (c'est dans le scénario et c'est elle-même qui le le dit) et une caractérisation infâmante. Jugez plutôt : pour aider Jamel-André à trouver l'argent qui lui manque, la demoiselle va tout de même s'envoyer toute la population masculine d'une boîte de nuit, idée abjecte qui certes révolte le personnage d'André - et le spectateur, sidéré par tant d'inconvenance crasse -, beaucoup moins le scénariste qui semble trouver cela tout à fait normal.

Le tout débouche sur un final ridicule, qu'une des rares séquences réussies du film (un face-à-face subtil entre Melki et Debbouze où ce dernier impressionne), posée juste avant, ne parvient évidemment pas à sauver.

En optant pour le noir et blanc et une histoire minimaliste, Luc Besson cherchait sans doute à se refaire une virginité, puisant dans les débuts de sa carrière (le foutraque mais ô combien plus intriguant Dernier combat, lui aussi en noir et blanc, mais un beau celui-là) une inspiration qui lui faisait défaut.

Raté, malheureusement, à tous points de vue. Le seul avantage du film, c'est qu'il ne dure qu'1h22, réduisant la souffrance à une peine acceptable.

C'est bien peu pour se réconforter.

ElliottSyndrome
3
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le 25 juil. 2022

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ElliottSyndrome

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