Après la petite chronique méditerranéenne « Fragile », on peut dire que la jeune Emma Benestan passe à la vitesse supérieure avec son second long-métrage intitulé « Animale ». Pas que le film dispose d’un plus gros budget mais plutôt qu’il fait montre d’une ambition plus conséquente. Elle choisit d’investir un microcosme totalement méconnu du grand public et d’un endroit qui l’est presque autant; il s’agit de celui des compétitions de taureaux en Camargue. Mais elle choisit surtout d’y incruster une bonne part de fantastique, chose de plus en plus courante dans le cinéma français mais tout de même pas habituelle, le cinéma de genre restant encore assez confidentiel. Enfin, moins original voire même carrément lassant à force depuis dix ans, on parle ici de féminisme, de patriarcat et de masculinité toxique.
Heureusement, la manière dont on approche ce sujet est étonnante et inusitée, presque farfelue même diront certains. Tout le monde ne verra pas arriver la résolution du mystère (sans être surpris, on ne s’y attendait personnellement pas de cette manière) mais il faut avouer que cette thématique commence à être usée jusqu’à la corde et donc lasser, au-delà de l’effet de mode post-MeToo. La manière peu commune dont « Animale » l’appréhende lui permet d’éviter la redondance. Il n’empêche, le suspense qui entoure l’intrigue du long-métrage est un peu longue à se mettre en route et le tout manque cruellement de tension. Le bon côté est que cela permet vraiment de se fondre dans le milieu investi et de s’y attacher tout en découvrant ses us et coutumes. On sent le film très documenté sur le contexte dans lequuel il nous plonge et l’immersion est totale.
L’une des grandes qualités de « Animale » est sans conteste sa mise en scène travaillé et racée. Le travail du directeur de la photographie est exemplaire. La Camargue est filmée comme dans un western crépusculaire et certains plans confinent au surréaliste, en parfaite adéquation avec le sujet qui verse dans le fantastique et le symbolisme homme-animal. Les clairs-obscurs proposés sont de toute beauté et certains plans sont véritablement sublimes. On sera moins convaincus par le tournant body-horror et trop démonstratif vers lequel se dirige le film dans sa dernière ligne droite. Des collègues cinéastes francophones comme Coralie Fargeat et son « The Susbtance » ont bien entendu fait bien mieux. Un fantastique plus minimaliste et mystérieux aurait suffi surtout que la fin est plutôt abrupte. Une œuvre prometteuse pour sa réalisatrice, clairement audacieuse, et qui se révèle intéressante à défaut d’être totalement aboutie.
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