It’s time to start, but without me

Annette, on y est soit emporté soit totalement mis de côté. C’est du moins ce que j’ai cru comprendre en observant le caractère manichéen des critiques qui en sont ressorties. Je me range dans la deuxième catégorie, malgré la très forte sensation d’avoir passé un vrai moment de cinéma. En même temps, l’œuvre est d’une telle ambition qu’on ne peut pas vraiment s’endormir devant, même si l’on n’est pas captivé par l'histoire du film pour autant.


Complètement bouleversé par les cinq premières minutes du film, mes frissons et mon grand sourire allant jusqu’aux oreilles comme signes de cette grande émotion, j’ai ensuite été totalement extérieurs aux évènements suivants. Des coups d’éclats, il y en a eu, des messages auxquels j’ai pu adhérer également. Mais cette sensation d’être incessamment extérieur à l’histoire persistait, de ne pas ressentir ni l’amour de Henry et Anne ni le destin tragique de leur histoire et de celle d’Annette me rendent insensible au propos principal du film.


Je ne serai pas de ceux qui sont sans nuance face à ce film, le trouvant complètement ennuyeux voire ridicule de par son coté absurde. Je ne compte pas le descendre, mais plutôt justifier mon désintérêt du film.


D’abord, je n’ai vu aucun film de Carax avant Annette et ça a peut-être joue dans le fait que je n’avais aucune prédisposition ni d’attentes particulières, quand bien même les nombreux podcasts ou émissions traitant du film m’avaient « préparé » et plutôt convaincu d’aller voir ce film plus qu’un autre ce jour-là au cinéma (pas juste Adam Driver, promis).


Je ne m’attendais pas non plus à ce que le film soit entièrement chanté, ce qui ne me dérange pas en soit, j’adore les Parapluies de Cherbourg, mais j’ai trouvé que ce n’était pas adapté à toutes les situations et que certaines d'entres elles perdaient ainsi de leurs crédibilités.


Même si j’ai aimé ce côté fantastique voire cartoonesque, très bien représenté à l’écran, cela a pour moi encore une fois porté préjudice au propos du film, tant il est impeccable sur sa forme. Loin d’un Big Fish de Tim Burton, l’ambition d’Annette n’est pour moi pas atteinte vu le peu d’émotions que j’ai ressenti face aux destins des personnages.


J’ai aimé le côté décalé et provoquant touchant à la satire sociale, notamment les stand-up d’Henry ou les parodies des chaines TV people, mais cela est bien moindre par rapport aux (longues) 2h20 du film et à certaines scènes que j’ai trouvé largement inutile.


Ma principale satisfaction est, par-delà ce côté très drôle, absurde et cette mise en scène grandiloquente, la création du personnage d’Henri, lui qui choisit « l’abime » plutôt que de se soumettre à une vie qu’il considère comme inintelligible. Anti-héros aux nombreuses nuances, allant de la douceur à l’horreur, c’est cette ambivalence, et finalement sa profonde humanité qui m’a marqué.


Vous l’aurez compris : ne m’ayant pas laissé indemne, ce film est l’occasion pour moi de me pencher sur la filmographie de ce réalisateur qui m’intéresse tout de même beaucoup. Et de revoir Annette, un jour, pourquoi pas.

matteop
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le 8 juil. 2021

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