Anora
7.1
Anora

Film de Sean Baker (2024)

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Attention, spoilers


Sean Baker continue son exploration sociale du monde des travailleurs du sexe, entamée par Tangerine, puis poursuivie par le brillant The Florida Project et Red Rocket. Il actualise Cendrillon et Pretty Woman dans le parcours de Ani, plus cru, plus désenchanté, plus réaliste. Une femme qui, en tant qu’objet de consommation littéral (en témoigne l’étal à viande introductif) a renié son humanité. Elle refuse de parler le russe de sa grand-mère, et ne conçoit pas de relation sans transaction.


La carapace qu’elle s’est formée la dote d’une détermination hors norme qui, doublée d’une force physique inhérente à son métier (essayez le pole dance, vous verrez), lui permet de défendre son bout de gras alors que les fissures commencent à naître dans ce rêve qui se forme lors du premier acte. Celui qui fait pénétrer le spectateur dans le quotidien de ces femmes soumises à une galerie de clients plus sordides les uns que les autres, avant de proposer une échappatoire en la personne de Vanya, fils d’oligarque sans aucune connexion au réel qui la prendra pour femme. Devant la dédain dont il fait preuve en agitant sa fortune, Ani est initialement confuse, puis désabusée. Et lorsque l’opportunité sourit, c’est à la résignation de prendre le dessus. S'ensuit une bataille chaotique, une lutte acharnée, et percluse d’humour, à l’issue inévitable, celle de la désillusion. Il n’existe pas de raccourci dans l’ascenseur social, celui-ci n’étant qu’un mythe


Alors Ani est brisée. Jamais traitée autrement qu’un bien consommable, elle ne répond à un geste attentionné, désintéressé, qu’en donnant son corps. Et la carapace éclate en larmes, et laisse sortir Anora, la lumière qui a été trop longtemps enfouie en elle, son humanité. Si elle ne peut échapper à sa condition sociale, elle peut apprendre à s’accepter grâce à une main tendue (Youri Borissov, déjà remarquable dans Le Capitaine Volkogonov s’est échappé). Anora peut aller de l’avant, en passant par la construction de véritables relations.


L'œuvre de Sean Baker est faite de répétitions, de tapage et de cœur. Rires et larmes se succèdent dans ce parcours introspectif d’une poupée qui voulait devenir princesse, avant de se rendre compte qu’il fallait juste être femme.


Frakkazak
8
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le 24 nov. 2024

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Frakkazak

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