"Anora" est la consécration du cinéma de Sean Baker après "The Florida Project" et "Tangerine" ces dernières années. Fasciné par les milieux de la prostitution sous toutes ses formes, on suit Anora (merveilleuse Mickey Madison) corps et âme dans cette aventure rocambolesque menée à la baguette d'un bout à l'autre du film sans un seul temps mort.
C'est une sorte de "Pretty Woman" à l'envers, une renaissance du cinéma indépendant américain, bien loin des incapacités du cinéma hollywoodien à se renouveler par les temps qui courent.
Cette course poursuite des sentiments naissants entre une jeune escort et le fils d'un oligarque russe finira par s'écrouler quand la famille argentée ramènera le rejeton à la raison.
Anora se battra avec un tel acharnement pour maintenir son rêve d'amour et surtout d'argent, qu'elle finira par s'écrouler dans la scène finale du film, séquence qui rentrera dans l'histoire du cinéma à elle seule.
L'essuie-glace comme ultime fond sonore pointe le peu qu'il reste de cette odyssée bruyante à travers un New York réhabilité en grande puissance de suggestion au cinéma.
Le combat implacable d'Anora connait ici son unique chute et retour au calme dans les bras d'Igor (excellent Yuriy Borizov).
C'est l'appartenance à la même condition sociale des laissés pour compte, si chers au cinéma de Sean Baker, que le film trouve son aboutissement.
Après avoir fustigé la famille d'oligarques au sommet de la pyramide de l'argent et du pouvoir, ainsi que les sbires pathétiques intermédiaires qui travaillent pour leur compte, c'est la rédemption d'une classe ouvrière qui finit par résister au sens noble du terme à travers les personnages d'Anora et d'Igor, ce dernier véritable troisième rôle dans ce film magnifique.
Au fond, Sean Baker réussit mieux que Rüben Ostlund dans "Sans filtre" (autre Palme d'Or à Cannes) à représenter la lutte des classes au cinéma. "Anora" s'inscrit dans la lignée des très grands films qui réussissent à fusionner tous les éléments qui font un chef-d'œuvre cinématographique.