Anora
7.1
Anora

Film de Sean Baker (2024)

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[Palme d’Or 2024 !]

Comme chacun le sait, Palme d’Or ne rime pas forcément avec gage de qualité. Anora n’a pas manqué de faire parler lors du dernier festival de Cannes tant sa victoire était pour le moins, inattendue…
Du coup, que vaut cette Palme d’Or ?

Incontestablement et amplement mérité ! Sans conteste l’un de mes films préférés de cette année 2025 !

Anora est un film qui a su me toucher d’une part via sa simplicité (le speech tient sur un post-it, on ne dirait même pas qu’il y en a un), d’autre part via le tourbillon de sincérité que le film nous offre. C’est un mélange d’exubérance, de finesse, de justesse, d’humour, de provocation, d’immense joie et de profonde peine.

Il faut avoir une certaine ouverture d’esprit pour accrocher au film car je ne suis pas certain que la première heure parle à tout le monde et en particulier la vieille génération aimant un cinéma un peu poli, léché ou qui prend son temps. Dès le début du film on est plongé dans l’univers du strip-club avec le trash et la nudité qui s’en suit mais Sean Baker arrive à mettre tout ça en scène de manière extrêmement
saine, sans vulgarité, sans faire passer les stripeuses pour des extraterrestres mais plutôt comme des vrais workings girls.

A ce petit jeu là, Mikey Madison délivre une performance éblouissante. On la sent à l’aise, sensuelle sans jamais être provocante, pourtant dans un milieu étant un peu le fast-food de la sensualité. Son côté un peu cagole de Brooklyn n’est pas surjoué.

S’en suit un espèce de tourbillon pendant 45 minutes mélangeant littéralement sexe, drogue, jeu vidéo et « plastic life », comme un espèce d’american dream sous cocaïne. Personnellement j’ai réussi à accrocher à l’espèce de romance en plastique entre Ivan et Anora, les deux forment un duo plutôt tendre, drôle et traduit bien cette liberté de vivre, une certaine vision de l’innocence décomplexée (cf. la virée à Vegas pour se marier est un pur moment de cinéma qui inspire la joie de vivre, j’ai vraiment ressenti ça sur mon siège !)

La seconde partie du film est quant à elle une espèce de comédie absolument hilarante qui n’est pas sans rappeler le prisme comique utilisé dans le Dîner de cons. Toute l’heure qui sert à la recherche d’Ivan est une espèce de génial bordel ! Le duo de faux mafieux arméniens Garnick et Toros (brillamment interprété par Vache Tovmasyan et Karen Karagulian) est absolument hilarants tant ils sont dépassés par la situation, se font rouler dessus par Anora et par le spectre de l’arrivée des darons d’Ivan pour faire annuler le mariage. Igor (Youri Borissov, nommé aux Golden Globes au passage) crève l’écran par son flegme, la sympathie qu’il inspire et sa manière d’aimer Anora juste par un regard. L’alchimie ressentie éclipse totalement le but premier (la recherche d’Ivan), et c’est tant mieux ! C’est un comedy club ambulant, c’est frais, c’est drôle et c’est génial !
La mise en scène accentue cet effet comique, les plans dans la voiture donnent l’impression de suivre un sitcom, on passe d’une scène improbable puis cut vers une autre scène improbable. On se fait enchaîner de scène en scène pour notre plus grand plaisir.

J’ai adoré le développement d’Igor et d’Anora. Leur histoire personnelle s’écrit l’un avec l’autre dans un passif agressif (compréhensible) mais dont on ressent une sympathie naissante plus le temps passe. Leur histoire commune évolue de manière crédible, rien n’est téléphoné, c’est toujours d’une extrême justesse et je pense que l’on peut féliciter la direction d’acting de Sean Baker qui a leadé avec brio deux jeunes acteurs « méconnus » pour nous pondre une fable contemporaine sous cocaïne absolument délicieuse.

Enfin bref, Anora brille par sa JUSTESSE. Sean Baker nous livre un pur film qui parlera peut être pas à tout le monde mais qui se veut très intelligent dans tout ce qu’il aborde, que ce soit dans la mise en scène, dans le développement des personnages, dans sa construction humoristique. Le personnage d’Anora cristallise une jeunesse complètement perchée, folle, qui n’a plus de repère mais profondément humaine, qui n’aspire qu’à une chose, s’en sortir. Porté par des acteurs exceptionnels, ce film est résolument l’un des meilleurs de l’année. Bravo !

TheBiks
9
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le 22 déc. 2024

Critique lue 13 fois

TheBiks

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