Se frotter au hasard

Ce qui ressort de Antoine et Antoinette, c’est la liberté dont jouit les personnages, que Becker fait marcher sur le fil ténu du hasard. En effet, tout peur leur arriver, le meilleur comme le pire, si bien que le spectateur toujours sur le qui-vive est en émoi.

Antoine va-t-il perdre un doigt voire une main à l’imprimerie où il travaille trop, du lundi au samedi ? Va-t-il être renversé à vélo ? Tomber du toit ? Se faire larguer par sa femme ? Ou pire, être cocu ? Et Antoinette va-t-elle se faire virer du Prisunic où un petit chef surveille ses employés avec trop de zèle ? Va-t-elle se faire succomber aux charmes du voisin insistant ou se faire violer par l’épicier du coin ? Becker crée une tension constante le long du film, en raison de laquelle le spectateur ne peut que s’improviser scénariste et imaginer tous les maux à venir pour nos deux charmants tourtereaux, condamnés semble-t-il au fatum.

Or Becker s’est épris d’eux, comme le spectateur d’ailleurs, et de leur honnêteté, de leur bonhomie et de la dureté de leur vie dont jamais ils ne se plaignent. Le réalisme de leur quotidien, embrassé avec un remarquable sens du détail, suscite l’admiration et nous touche grandement : le boulot, pas toujours très gai, la menace du licenciement, le modeste appartement, le sobre dîner et la frugale gamelle, le voisinage indiscret et concupiscent mais aussi solidaire, l’épicier salaud et une ribambelle de personnages secondaires inscrivant le film dans une époque et une condition sociale populaire (le patron du tabac qui marie sa fille de 12h à 15h, la voisine Juliette très simplette qui bosse au guichet de la R.A.T.P., le caissier de la loterie, le boucher qui s’y rend, la chaisière du jardin, etc…).

Grâce à un scénario simple mais au rythme sûr, des dialogues bien écrits, une multitude de personnages, Antoine et Antoinette se distingue sans aucun doute par la positive dans la liste des films de Becker.

7,5/10