J’avais adoré Les 400 Coups et j’éprouvais une certaine curiosité sur le devenir du personnage d’Antoine Doinel avec toute la dimension quasi autobiographique qui l’entoure. Antoine et Colette aborde un passage que nous avons tous sûrement expérimenté un jour, celui de l’amour à l’adolescence et des (nombreuses) déceptions sentimentales. Après le sentiment d’injustice et d’oppression du jeune Antoine dans les 400 coups, voici donc celui de la déception amoureuse, celle qui te marque un moment et te forge pour longtemps. On peut y retrouver une thématique commune à celle des 400 coups: celle de l'enfermement. Doinel était avide de liberté mais enfermé par l'autorité parentale dans le premier film. Il est ici libéré de cette dernière mais emprisonné par l'amour qu'il porte à cette jeune femme qui ne partage pas ses sentiments. Une histoire cruelle sur le papier, une cruauté qu'on a tous plus ou moins vécu.


Hélas, ce n’est pas forcément ce que j’ai éprouvé durant ce film assez court (30 minutes). Peut-être est-ce le format qui lui nuit, je ne saurais pas dire. En tout cas j’ai trouvé que ce film manquait de substance et surtout de passion. Le personnage de Doinel m’a moins parlé, je l’ai trouvé plus mécanique que dans les 400 coups, moins vivant. Un comble pour un film qui parle de passion amoureuse car cette dernière est très forte, elle envahit nos têtes, elle anime nos cœurs. Et elle peut aussi nous faire perdre les pédales, nous pousser à faire n’importe quoi, à perdre toute rationalité.


Malheureusement le film m’a paru bien gentillet sur un tel sujet. J’ai pourtant beaucoup aimé la naissance de cette fascination pour la jeune femme avec ce jeu de regards pendant le concert. C’est dans ce genre de scènes qu’on retrouve la capacité de Truffaut à créer cette justesse qui permet justement de s’identifier aux personnages, de ressentir du vrai. Mais c’est trop rare à mon sens car la relation amoureuse manque ici cruellement d’authenticité pour ma part. J'avais envie de m'attacher à Doinel mais il me semblait trop distant, trop lisse. Pour comparaison, sur le thème de l'amour déçu, j'avais largement préféré Nuits Blanches de Visconti où Marcello Mastroianni véhiculait justement toute cette passion, tout ce désespoir de l'homme amoureux sans retour. Ce qui fait que j'avais totalement adhéré à ce film et beaucoup moins à Antoine et Colette.


Après ce Truffaut reste quand même un morceau de cinéma assez intelligent et est techniquement bon. La mise en scène est de bonne facture comme l’illustre d’ailleurs l’exemple des scènes dans le public que j’ai cité précédemment. En revanche je n’ai pas compris l’intérêt de cette postsynchronisation absolument dégueulasse… Ça crée des décalages sonores assez laids lors des phases dialoguées avec des mouvements labiaux qui ne collent pas du tout avec les discussions. Le pire concernant la pauvre Marie-France Pisier dont le jeu est complètement gâché par ce doublage infâme. J'ai donc relativement apprécié le visionnage mais ça m’a toutefois laissé de marbre du fait que ce ne soit pas plus fort en émotions, que le film reste assez « clinique » dans son traitement. Je poursuivrai volontiers toute la « saga » Antoine Doinel (et la filmo de Truffaut bien entendu) mais j’espère voir des films plus consistants à l'avenir.

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le 31 mars 2015

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