Antoinette, institutrice, attend avec impatience ses vacances d’été prévues avec Vladimir, son amant et le père d’une de ses élèves, Alice. En apprenant que Vladimir ne peut pas venir car Eléonore, sa femme, a organisé une randonnée surprise dans les Cévennes avec leur fille et un âne, Antoinette décide de suivre leur trace seule, avec Patrick, un âne protecteur.


 Si on y pense nettement moins que devant (le sublime) Eva en août, c’est encore Rohmer qu’on aperçoit dans Antoinette dans les Cévennes. Et encore Le rayon vert. Evidemment parce qu’on y voit Marie Rivière, qui rejoue presque une Delphine apaisée, par le temps, par la vie. Aussi parce qu’Antoinette est son miroir déformé : Elle aussi devait d’abord quitter Paris accompagnée mais se retrouve in fine seule. Et trouvera son salut dans une rencontre imprévue, douce, chaleureuse, enveloppés non pas par le rayon vert mais pas une douce lueur à travers les arbres. Antoinette aussi est guidée par le hasard : Moins en s’abandonnant aux signes (Moteurs de Delphine) qu’en se laissant gagner par la fièvre de Stevenson.
En effet, un peu comme lorsque Guillaume Brac « adapte » L’île au trésor dans le décor des étangs Cergypontains, Caroline Vignal choisit « Voyage avec un âne dans les Cévennes » qui finit même par intégrer doublement l’intérieur du récit d’une part car le livre devient la lecture d’Antoinette durant ses pauses étapes, d’autre part car son parcours de grande randonnée, le GR70, porte le surnom de « chemin de Stevenson ». L’écrivain y racontait son voyage à travers le pays cévenol, entre Le Monastier-sur-Gazeille et Saint-Jean-du-Gard, accompagné de son ânesse Modestine.
Le voyage d’Antoinette Lapouge (patronyme choisit en référence à Gilles Lapouge qui a préfacé les éditions du roman) sera moins cérémonial que celui de Stevenson, plus chaotique – au détour d’une journée elle perd même les balises, passe une nuit dans la forêt et se retrouve à faire une boucle – mais il lui permettra d’y faire sa propre psychanalyse, de comprendre que le chemin compte bien plus que le but, en d’autre mot que Vladimir (incarné ici par Benjamin Laverhne) était l’objet mais pas la finalité.
C’est un très beau film, lumineux, qui se déploie dans des paysages que Vignal capte merveilleusement, un film jalonnée de petite rencontres, personnages parfois figurants filmés avec passion – Le biker, le véto, la cowgirl guérisseuse, les hôtes, tous fabuleux. Il y a du Guiraudie, du Rozier, du Stévenin là-dessous. Je regrette juste que le film se laisse parfois gagner par le running gag : Par exemple, le personnage incarné par Fraize c’est un peu sa limite, on sent que Vignal ne sait pas trop quoi en faire, qu’elle veut lui préserver sa folie qu’il campait génialement chez Judor (Problemos) ou Dupieux (Au poste) mais ça ne fonctionne pas très bien, tant le film évite assez bien le burlesque en règle générale, tout en étant pourtant très drôle.
Il a d’autres atouts comme celui de surprendre, par une rencontre, une trajectoire. De balancer Amoureuse de Véronique Sanson, par Laure Calamy et sa classe en guise de chanson de fin d’année au début du film, mais aussi My rifle, my pony and me à la fin, comme pour rejouer Rio Bravo. De s’ouvrir façon comédie romantique pour lentement dériver vers le conte initiatique en forme de western en Lozère. D’offrir une arrivée triomphale quasi christique non pas à Jérusalem mais au Pont-de-Montvert. De filmer un réveil en pleine forêt, quasi échappé de Blanche Neige. De prénommer un âne Patrick.
Tous les comédiens sont brillants. Laure Calamy en tête évidemment, qui trouve enfin un premier rôle à sa mesure. Olivia Cote aussi, qui campe un personnage de femme trompée que l’on craint de ne pas voir exister et qui explose dans une magnifique scène pivot.
J’étais curieux de le voir mais j’en attendais trop rien. J’ai trouvé ça très beau, émouvant. Peut-être même plus que cela : J’en avais besoin.
JanosValuska
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le 9 mai 2021

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JanosValuska

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