Des choses gentilles à dire sur ce film
Armageddon est un blockbuster couillu et régressif typique de la deuxième moitié des années 1990 dont Michael Bay, dont c’est le troisième film seulement, s’est fait, aux côtés de Roland Emmerich, l’un des principaux représentants. En gros, la terre est menacée par un méga astéroïde, dans les bureaux de la NASA, les lunettes à grosses montures se font lourdes, les chemises blanches s’obscurcissent sous l’effet de la transpiration et ça court avec des papiers dans les mains dans tous les sens, côté militaires ça pense bombe bombe bombe, tandis que tout autour du monde défilent au ralenti des images de bon peuple qui massé devant sa télé, qui agglutiné dans les cours des lieux de culte, se soucie de son absence d’avenir. On retrouve aussi l’allocution solennelle du président des États-Unis d’Amérique et ses que dieu nous protège et une palanquée de bannières étoilées flottant au vent.
Les codes sont les mêmes que ceux de Independance Day, sorti deux ans auparavant et signé Roland Emmerich. Pour l’anecdote, ce dernier préparait à l’époque un autre film où la destruction règne en maître et devant sortir le même été, Godzilla, ce qui donne lieu à un joli tacle de la part de Bay en début de film où une figurine du reptile se trouve ratatinée par un caillou tombé du ciel. Voilà, Michael Bay pose d’emblée ses couilles sur la table et annonce la direction proposée par son film : Armageddon, c’est un film de vrais mecs.
Parce que oui, la NASA fait appel à une équipe de foreurs badass à la marginalité de façade à même de faire vibrer tout masculiniste qui se respecte pour appliquer le plan de la dernière chance, à savoir aller jusqu’à l’astéroïde, y forer en profondeur afin de déposer en son cœur une charge à même de scinder le caillou en deux objets plus petits qui, l’explosion faisant, passeront chacun d’un côté de la Terre. C’est sûr que la symbolique du forage est déjà en soi bien testostéronée mais la présentation des personnages repousse les limites du n’imp’ badass velu à commencer par celui de Harry (Bruce Willis) qui, du haut de sa plateforme pétrolière tient en respect sur fond de rock un groupe de p’tites bites de Greenpeace avec malice et adresse, un club de golf à la main et un stock illimité de balles à ses pieds, on n’est pas très très loin du coal rolling des anti-écologistes.
Ses lieutenants ne sont pas en reste, eux qui sont tous plus rebelles et mal dégrossis les uns que les autres. C’est un festival de défi à l’autorité viril avec des histoires d’addiction au sexe, des aperçus de courses poursuites avec des hélicos dans le soleil du désert, de grosses cylindrées et de barrages de police forcés ou de bagarres de bar. Une espèce de fantasme très alpha bien crasse dans lequel la place de la femme est grosso modo sur le quai (salut ô Liv Tyler, toi qui te désespères le regard perpétuellement humide devant les écrans de la NASA), l’accès à son cœur et son cul soumis à la bénédiction de son père.
Dit comme ça, Armageddon apparait comme vraiment insupportable. Mais, malgré tout, il y a une certaine forme d’outrance qui permet de rendre le truc assez fun (les navettes qui portent en elles le salut du monde s’appellent Liberté et Indépendance LOL). D’autant que c’est un de ces blockbusters qui a encore une certaine forme de respect du spectateur (peut-être un peu moins des spectatrices - ah Liv Tyler, la fille qui attend au port son homme parti défendre la nation). En effet, le scénario, quoique léger et scientifiquement douteux, est efficace ; c’est rythmé ; la mise en scène bourrée de fioritures et d’effets stylés est curieusement assez digeste et lisible (on en est pas au Bay des Transformers) ; il y a de l’explosion en veux-tu en voilà mais avec beaucoup de recours à des artificiers, il y a du reste un mélange de techniques plutôt sympa avec des artificiers pour certaines scènes, des cascadeurs pour d’autres, des maquettes, des CGI mais avec toujours en ligne de mire la volonté de faire au mieux pour les besoins de la scène et non pas comme ce sera le cas dès le début du siècle suivant faire du tout CGI parce que ça coûte moins cher. Niveau musique, l’écurie Hans Zimmer avec Trevor Rabin secondé par Harry Gregson Williams signe un archétype de musique de blockbuster mais qui fonctionne plutôt bien.
Autre point fort du film, un casting incroyable. Si les personnages qu’ils endossent sont pour la plupart pas du tout développés, l’alignement des bonnes têtes de Brucey, qui finit par parler à son astéroïde comme le Sly de Daylight à son tunnel, de Steve Buscemi, Michael Clarke Duncan, Owen Wilson, Will Patton côté rustauds et de Billy Bob Thornton, Jason -Posez-un-pétard-à-mèche-sur-la-paume-de-votre-main-si-vous-l’allumez-que-se-passe-t’il ?-vous-vous-brûlez-d’accord ?-Par-contre-si-vous-allumez-le-même-pétard-en-le-serrant-très-fort-Pfou-C’est-votre-femme-qui-vous-versera-votre-ketchup-jusqu’à-la-fin-de-votre-vie- Isaacs, Keith David et même Udo Kier dans un tout petit rôle côté autorités reste des plus réjouissants.
Et puis, bon, y a quand-même une scène où Paris se fait ravager par une pluie de météorites, ce qui est toujours appréciable.
Je veux jouer au bingo des clichés avec ce film
Ou sinon, je regarde juste les 64 ingrédients du bingo de ce film parce que c'est trop cool
Personnage > Agissement
Bagarre > Fracasse une bouteille sur le crâne d’un type – Contre-intuitif > Lance une répartie comique incongrue dans un moment dramatique – Émotion > Pique une crise de nerf – Regrette – Tension > Échappe in extremis à un danger – Tension > Tape du poing sur la table pour passer sa colère
Personnage > Caractéristique
Vie personnelle > Problèmes familiaux/de couple
Personnage > Citation
Déclare > « Que Dieu vous/nous/te protège/garde/vienne en aide etc. » – Exprime du soulagement > « Hourra ! » de quartier général – Prévient > « On s’accroche ! » / « Accrochez-vous ! » – Prévient > « Faut pas rester ici ! » / "Faut y aller !" / "Tirons-nous d’là !" / « On n’a plus le temps, viens ! » – Questionne > « Y’a quelqu’un ? » – Réfrène > « Wo-wo-wo-wo-wo ! » – S’inquiète > « Oh mon dieu ! »
Personnage > Héros ou héroïne
Fibre héroïque > Se sacrifie avec panache
Personnage secondaire
Passe son temps à apporter des documents aux membres du QG
Réalisation
Caméo – Émotion > Suspendu·es à la télé/radio dans l’attente de nouvelles – Équipe > L’équipe (au complet) avance (au ralenti) face caméra – Fin > Image figée – Fin > Le film se termine sur un baiser – Grammaire > Passage musical – Grammaire > Ralentis injustifiés et insupportables – Gros plan/zoom sur le visage d’un personnage (qui crie) tandis qu’un truc lui tombe dessus – Habillage > Incrustation de texte sur l’écran : lieu, date, heure, etc. – Habillage > Titre qui apparaît en gros à l’écran, accompagné d’un effet sonore – Média > Point de situation par un reportage télé, radio ou presse écrite – Ouverture ou fin > Long zoom avant/arrière depuis/jusqu’à l’espace – Ouverture ou fin > Voix off d’introduction ou de conclusion – Plan > De satellites en orbite – Suspense > Attend le tout dernier moment pour activer/désactiver un explosif/appareil – Technique > Travelling circulaire inutile
Réalisation > Accessoire et compagnie
Ambiance > Machine à fumée sur-exploitée – Pouet-pouet > Effet pyrotechnique hasardeux – Tension > Compte à rebours
Réalisation > Audio
Ambiance sonore > Alarme stridente de vaisseau spatial/laboratoire/base secrète – Ambiance sonore > Concert de klaxon pendant un embouteillage – Utilisation de hard rock dans un contexte badass
Scénario > Blague, gag et quiproquo
Comique de répétition – Essaie de cacher un élément compromettant sous les yeux d’un tiers qui ne doit rien en savoir – Quiproquo de situation – Sodomie (gag)
Scénario > Contexte spatio-temporel
Cliché touristique
Scénario > Dialogue
Phrase-choc – Situation de crise > Allocution/discours solennel de ministre/président·e
Scénario > Élément
Barrage de police forcé – Impérialisme, néo-colonialisme ou propagande > Les Américain·es, c’est vraiment les plus fort·es – Tension : Tirage à la courte-paille – Titre du film énoncé dans le film – Un·e proche meurt sous ses yeux
Scénario > Ficelle scénaristique
Tension > Véhicule qui refuse de démarrer
Scénario > Situation
Bagarre > Futurs membres d’une équipe de choc recrutés aux quatre coins du monde – Menace > Planétaire
Thème > GI Joe
Accessoire > Menaces qui bipent sur un écran radar – Action > Branle-bas de combat sur une base militaire – Ordonne > « Go, go, go ! » – Personnage > Militaire haut-gradé va-t-en guerre
Thème > N’importe quoi
Accessoire > Le flingue, ce couteau suisse... – Scientifiquement non prouvé > Physique des matériaux soumise à rude épreuve
Thème > Rejets, moqueries ou discriminations
Accents étrangers caricaturaux – Bobo-écolo-phobie
Thème > Sexisme hostile à l’égard des femmes
Attitude, remarque et/ou stéréotype sexiste – Objectification sexuelle > Tenues légères – Outrage sexiste > Remarque appuyée sur le physique d’une femme jugé avantageux
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Barème de notation :
1. À gerber
2. Déplaisir extrême et très limite sur les idées véhiculées
3. On s'est fait grave chier
4. On s'est fait chier mais quelques petits trucs sympas par-ci par-là
5. Bof, bof ; pas la honte mais je ne le reverrais jamais ; y'a des bons trucs mais ça ne suffit pas
6. J'ai aimé des trucs mais ça reste inégal ; je pourrais le revoir en me forçant un peu
7. J'ai passé un bon moment ; je peux le revoir sans problème
8. J'ai beaucoup aimé ; je peux le revoir sans problème
9. Gros gros plaisir de ciné
10. Je ne m'en lasserais jamais