J’aimerais sincèrement affectionner le cinéma de Wes Anderson, autant qu’avant du moins. J’aimerais ressentir la même admiration que j’ai pu avoir devant Fantastic Mr. Fox. Mais ça n’arrive pas, ça n’arrive plus. J’y crois encore et toujours à chaque sortie, mais c’est toujours la même lassitude qui s’empare de moi, allez savoir pourquoi !


Aujourd’hui, je me sens comme un jour de Noël, à l’occasion duquel un oncle un peu farfelu m’offre un cadeau tout autant décalé que lui. Un présent joliment emballé dans un papier de soie raffiné, couleur rose pastel, surmonté d’un joli nœud bleu électrique assortie aux nœud papillon de ce tonton. Tout comme ce dernier, le cadeau est tiré à quatre épingles.

J’ai toujours porté une attention toute particulière aux cinéastes qui ont un style : Tarantino, Ritchie, Malick, Burton, Lanthimos, Wiseman, Noé, Kechiche, Miyazaki, etc. Wes Anderson fait partie de ces réalisateurs qu’on reconnaît au premier coup d’œil. Il a une marque de fabrique. Une identité visuelle, que même des I.A. peuvent reconnaître et imiter. Parmi ces leitmotiv, on retrouve la composition chirurgicale des plans, les associations harmoniques des couleurs, le casting XXL récurrent, les mouvements de caméra guindés, le ton décalé, le goût pour le chapitrage, les voix-off et les à propos. Finalement c’est peut-être ici que réside le problème.


Je déballe l’offrande avec délectation, en dénouant précieusement le ruban bleu azur d’abord, puis en écartant délicatement l’emballage rose bonbon. L’excitation enfantine grimpe en moi, jusqu’à me balafrer le visage d’un sourire d’impatience. Puis j’aperçois le coin d’une boîte orange pâle, quelques lettres d’un bleu céruléen, des éclairs jaunes et des étoiles violettes. Je ne peux plus attendre, je déchire le papier et découvre ce qu’il cache.

Le réalisateur est exactement là où on l’attend, et ne transcende pas son style. Comme un Michael Scott qui ne peut s’empêcher de placer un « That what she said ! », le réalisateur de Asteroid City a le travelling qui lui brûle les doigts, la symétrie maladive et une pastelomanie critique. Un spectateur qui anticipe, n’est pas un spectateur surpris. On est accompagné gentiment sur un territoire déjà connu : le monde de Wes Anderson. Mais, le summum ici, c’est que dans ce dernier opus, le réalisateur divulgue ses tours. Par un jeu de film dans le film, il met en avant de manière théâtrale la grandeur du casting et le minimalisme des décors. Le réalisateur tombe alors dans le piège du style. Celui de l’auto caricature, quand le style pense se suffire à lui-même au détriment d’un scénario brillant, d’une écriture épaisse des personnages ou d’innovations visuelles.


Je découvre une boîte. Une boîte en bois laqué ornée d’une magnifique serrure ouvragée. Pantois, toujours le même sourire béat aux lèvres, je regarde mes proches à la recherche de réponse : Qu’y a t’il dans cette boite et comment l’ouvrir. Mon oncle hausse les épaules, faisant mine de ne rien savoir. Je perds doucement le sourire puis le regagne immédiatement en entendant le rire tonitruant de mon oncle, une clef dans la main.

Ce qui m’agace certainement le plus c’est l’absence de vitalité. Le cadrage est déshumanisé, les couleurs sont froides et monotones, les mouvements de caméra mécaniques et le ton des acteurs monocorde. Dans littéralement tous ses films. Ce qui manque c’est le caillou dans la chaussure. À l’inverse de Bergson qui identifie le rire comme étant du « mécanique plaqué sur du vivant », ce qu’il faut ici c’est du vivant plaqué sur du mécanique. Aaaah mais c’est sûr, il est beau le tableau, mais diantre qu’il est ennuyeux. On reste plantés là devant ce tableau impénétrable dont le vernis reflète notre mine triste. On peut appeler ça le syndrome du « Où est Charlie ? ». On cherche quelque chose précisément, mais avant cela on va poser notre regard sur des centaines de choses sans pouvoir les approfondir. Malgré nos envies, le tableau reste impénétrable. Il n’exploite aucune idée scénaristique intéressante. Ce cinéma se suffit à lui-même, il ne travaille pas l’imaginaire du spectateur, il n’agite pas ses émotions. Il ne propose pas, il donne.


Tout tremblant, je lui arrache le précieux sésame des mains - le jeu excuse souvent le manque de politesse - et je me jette sur la boîte pour l’ouvrir. J’insère la clef, la tourne à toute vitesse et ouvre largement la boîte au risque de fracasser les jointures. Un dernier frisson me parcourt le dos et me remonte jusqu’à la nuque. J’ouvre grand les yeux pour embrasser le contenu.

« On vient pour ça » pourrait-on me rétorquer. C’est pour cette patte qu’on fait le déplacement. Tout ceci finit par me lasser. Je me sens comme Andy Kaufman dans Man on the Moon, lorsqu’il apprend la supercherie des guérisseurs et leurs coulisses. J’étais impressionné par un spectacle, mais j’en aperçois aujourd’hui les ficelles et les rouages qui se répètent sempiternellement.


Rien. La boîte est vide. Le regard de cet homme au costume de velours vert et aux cheveux roux se pose sur mon sourire qui ne cesse de redescendre irrémédiablement. Il ne comprend pas ma déception. Il fera mieux au prochain Noël me dis-je. C’est ce que je me disais déjà l’an dernier.
Moodeye
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le 25 juin 2023

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