Walter Craig (Mervyn Johns), architecte, est invité dans un cottage par son propriétaire (Roland Culver), en compagnie d’autres invités, pour y réfléchir à des modifications. Dès qu’il arrive, il a la curieuse sensation de l’avoir déjà vu, de même que les invités, qu’il ne connaît pourtant pas. En outre, il a des pressentiments qui lui font annoncer aux autres ce qui va se passer dans la soirée… C’est qu’il a déjà vécu ce week-end dans un rêve récurrent qui le hante. Face à ce phénomène surnaturel, chaque invité raconte un épisode qu’il a vécu, dans lequel il s’est trouvé en contact avec l’inexplicable…


Particulièrement connus pour avoir donné à la comédie anglaise son heure de gloire dans les années 1940-1950 (Noblesse Oblige, L’homme au complet blanc, Whisky à gogo, Tueurs de dames), les studios Ealing nous offrent ici un fleuron du film d’épouvante de ces mêmes années. Evidemment, vu aujourd’hui, il n’est plus tout-à-fait aussi effrayant, mais la sobriété du film et l’absence d’effets spéciaux lui ont permis de ne prendre aucune ride.
Le procédé du film à sketches est ici utilisé de manière très intelligente, permettant de joindre différentes histoires grâce à un récit-cadre dans lequel elles s’intègrent très bien. Forcément, le film est légèrement décousu, mais beaucoup moins que ce qu’il aurait pu être. Si les deux premiers sketches sont très courts, ils permettent de faire entrer très progressivement le spectateur dans l’ambiance étrange qui va animer les trois récits suivants. En-dehors du fragment sur la partie de golf, assez différent du reste, car il lorgne franchement du côté de la comédie (mais il n’en est pas moins excellent, réalisé pour notre plus grand plaisir par Charles Crichton, réalisateur des films De l’or en barres et d’Un poisson nommé Wanda), le fantastique est bien au rendez-vous, mais un vrai fantastique, au sens littéraire du terme, qui se caractérise par l’introduction d’éléments surnaturels dans un cadre réaliste. Ici, la perception du réel des personnages et du spectateur est sans cesse mise à l’épreuve, introduisant parfois une réelle angoisse, notamment dans le célèbre épisode du mannequin qui semble mener son ventriloque par le bout du nez, sans doute l’épisode le plus réussi.
Mais la scène la plus réussie du film est bien sûr la séquence finale, qui assura au film un immense succès à l’époque de sa sortie, qui s’est malheureusement trop tari aujourd’hui. Pourtant, le retournement final est digne de figurer dans les plus grands retournements du cinéma,


offrant au spectateur une mise en abyme vertigineuse et absolument jubilatoire.


Trop méconnu aujourd’hui, Au cœur de la nuit n’en est pas moins, malgré ses quelques infimes défauts, un des plus grands chefs-d’œuvre du cinéma britannique, du cinéma fantastique, et finalement, du cinéma tout court.

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le 15 mars 2016

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Tonto

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