Brothers in Arms
On retrouve dans House by the River quelques thématiques chères au cinéma de Fritz Lang, notamment ce qui tourne autour du mal et de la culpabilité, et s'il ne tombe dans pas la répétition, il peine...
le 5 juin 2020
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Un Lang relativement méconnu – mais de moins en moins – qui resta par ailleurs longtemps inédit dans nos contrées, alors qu’il contient tout du Lang passé par le prisme psy : Il y a du Mabuse, du M le maudit, et le film sort dans la foulée du Secret derrière la porte.
Stephen Byrne est un monstre lui aussi, un être maléfique aux apparences pourtant trompeuses tant il semble sans histoire, nonchalant, décontracté. Mais déjà lorsqu’il regarde le fleuve marécageux qui jouxte sa résidence, il n’éprouve rien devant le spectacle de débris et animal crevé charriés par les eaux, contrairement à sa voisine, qui s’en plaint. Plus tard, Stephen confondra les algues, branches et souches qu’elle transporte, avec le corps d’Emily.
Cette bâtisse que Stephen habite, est l’un de ses meilleurs boucliers. Elle masque sa frustration. Car c’est un écrivain raté qui supporte difficilement les retours de ses manuscrits. Après avoir reçu une énième lettre de refus d’un éditeur, Stephen entend l’eau couler dans les tuyaux et il a vu la lumière dans la salle de bain. Sa femme de chambre prend sa douche. Le désir est enclenché. Le parfum – arboré par Emily et qui n’est autre que celui de Marjorie, son épouse – finira d’en faire une proie parfaite à son désir.
Tandis que sa femme est absente, il observe, l’air joueur et pervers, Emily descendant les escaliers, inquiète du bruit qu’il a provoqué et qu’il dissimule en se cachant comme un enfant – Il porte encore toute l’innocence en lui. Il tente de l’embrasser, elle crie. La voisine sort. On pense qu’elle a entendu Emily crier. En fait, elle vient ramasser un rouleau de cordes. De la corde ! Pendant que Stephen, sans le vouloir, mais pour étouffer ses cris, étrangle la jeune femme.
Dans la foulée, quelqu’un sonne à la porte, pendant que Stephen, aussi choqué que vulnérable, tente de se cacher (encore) entre les meubles et les ombres, comme une bête apeurée. C’est son frère. Il va l’aider, non sans plusieurs refus, mais il va l’aider, comme il l’a toujours fait. Le corps dans un sac, une allée à traverser, une barque à prendre et le fleuve fera le reste.
Pour être honnête, j’en veux un peu à Lang de ne pas faire aussi fort qu’Hitchcock le fera dix ans plus tard avec Psychose. Il ne s’agit évidemment pas de les comparer – quand bien même on peut y trouver quelques similitudes, ne serait-ce que dans les lieux, l’ambiance gothique – mais ce qui manque à House by the river, c’est peut-être de faire exister Emily au préalable, cette faculté à brouiller les cartes pour exploser à mi-parcours. L’ouverture du Lang est si exemplaire que la suite en pâtit un peu. A l’image du procès, d’ailleurs, qui est traité par-dessus la jambe, si on le compare à celui de Fury, quinze ans plus tôt.
Pourtant, malgré son rythme languide, le film reste passionnant. House by the river sera le portrait d’un homme à priori ordinaire, mais qui contient en lui les germes du Mal. Provoqué par ses frustrations, ce Mal va exploser non pas durant le meurtre – involontaire – mais dans la fuite qu’il génère. D’abord dans sa facilité à faire disparaître le corps. Puis dans sa façon de se l’approprier. La pulsion pathétique (du crime) mue en incarnation exaltée (pour le cacher) au point qu’il déplace les soupçons sur son propre frère, profite de la mort de sa bonne à dessein publicitaire pour son bouquin tout en s’avérant de plus en plus violent avec sa propre femme. Un pur personnage langien tout à fait abject, en somme.
Le pire étant qu’il consent à devenir ce criminel. Il retrouve son inspiration littéraire dès l’instant qu’il se superpose à son personnage, qu’il s’incarne dans son criminel de plume. Le pouvoir du crime a pris possession de lui. Et à fortiori il lui faut trouver l’innocent qui portera le chapeau, qui sera bien entendu son propre frère, qui lui effectue une transformation contraire : Il est tourmenté par sa culpabilité de complice et par cette propension que le monde (sa bonne comprise) prenne plaisir à salir la réputation de la défunte.
Il y a des fulgurances, des éclats plastiques qui sont de purs instants de grâce morbide. L’apparition de Marjorie, la femme de Stephen, qui fait son entrée dans le film de la même manière que le faisait Emily, crée un trouble aussi bien pour le spectateur que pour Stephen lui-même, qui associe les deux femmes, croit voir Emily revenir ou se voir tuer Marjorie. Là-aussi un poisson-éclair réapparait dans le miroir, le même qui sortait de l’eau au moment où il jetait le corps de la jeune femme dans le fleuve. Trouble qui reviendra en écho à la toute fin lorsque son frère (dont il croyait s’être débarrassé) revient, trempé, titubant, comme extirpé du royaume des morts. Le rideau flottant, qui lui-aussi semble sorti du fleuve, précipitera la chute de Stephen. Vraiment c’est un film qui mérite d’être revu.
Créée
le 5 mars 2020
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