Méprisé par les uns ou réhabilité par les autres, George Lazenby est James Bond dans Au service secret de Sa Majesté, en tout cas c'est l'acteur qu'il ne faut pas citer aux oreilles des fans bondiens, oui mais voila, il y a des exceptions et des gens plus ouverts dont je fais partie puisque je suis fan bondien, et pourtant je ne méprise pas Lazenby. Pendant longtemps, c'était de bon ton de l'ignorer, et pourquoi ? parce qu'il a succédé à Sean ? parce que c'est un piètre acteur ? parce qu'il n'est pas Anglais ? parce que... oh et puis merde, on pourrait encore gloser longtemps là-dessus, c'est peut-être un peu tout ça, mais aussi il faut être juste et analyser les choses correctement. Le film n'a pas non plus bonne réputation à cause de tout ceci, je vais donc le défendre.
Après On ne vit que deux fois, c'est l'angoisse chez Eon Productions, car Sean Connery annonce qu'il rend son Walter PPK, exaspéré par le fait qu'il est perçu comme un simple matricule, il part en Espagne tourner Shalako, un western plutôt moyen qui n'ajoutera rien à sa carrière. Il faut donc trouver un remplaçant et vite, United Artists précisant qu'il faut trouver un gars doué pour les scènes d'action et doté d'un physique rappelant celui de Sean sans le plagier.
On finit par dégoter un type au physique relativement athlétique, un mannequin australien qui avait été d'abord vendeur de voitures d'occasion, et qui n'avait aucune expérience d'acteur. Dans une des premières versions du scénario, Richard Maibaum faisait subir à 007 une opération de chirurgie plastique destinée à lui donner un nouveau visage qui serait ainsi inconnu de ses ennemis, mais cette idée fut abandonnée. C'était d'autant plus stupide que Bond est bien le seul agent au monde à se présenter sous son vrai nom, vous savez le fameux gimmick "Je m'appelle Bond, James Bond". D'ailleurs ça donne une idée parfaite de séquence pré-générique, où Bond vient de sauver Tracy des mains de 2 tueurs, puis elle s'enfuit dans sa voiture, sans même dire merci, Lazenby ramasse une chaussure perdue et s'adresse à la caméra : Ca n'était jamais arrivé à l'autre. Bim, générique de Binder qui remonte le temps et les films précédents, formant une sorte de bande-annonce psychédélique du plus bel effet. Mais le clin d'oeil est fait, et la prise de pouvoir du rôle par Lazenby aussi.
Et moi je trouve qu'il s'en sort bien le Lazenby, il est sans doute moins classe que Sean, moins charismatique, mais il a de la gueule, porte bien le smoking, sait se battre et n'est pas si mauvais acteur que ça. Alors ? en plus, ici Bond doit affronter directement son ennemi de toujours, ce Ernst Stavro Blofled, incarné par un très bon Telly Savalas qui prépare un nouveau plan de destruction de l'humanité. C'est également dans ce film qu'on apprend la devise bondienne héritée de ses ancêtres : "Le monde ne suffit pas" et qui donnera son titre au 3ème Bond de Pierce Brosnan.
Si le film a dérouté le public de l'époque, c'est aussi parce qu'il élimine l'emballage superflu et se démarque des Bond précédents : c'est un retour aux sources de l'espionnage, mâtiné de film noir, fidèle au roman d'angoisse de Fleming des débuts, il n'y a pas de décors aseptisés ou grandioses, ni de gadgets, mais surtout, Bond rencontre Tracy, fille d'un parrain de la mafia corse, et en tombe réellement amoureux, au point de l'épouser, elle sera la seule madame Bond, même si ça ne dure pas longtemps pour cause de Blofeld. Ce dénouement était totalement inattendu.
Au service secret de Sa Majesté comporte finalement peu de scènes d'action, mais elles sont magistralement réalisées par Peter Hunt, la plus fameuse étant une poursuite à skis, je crois qu'elle est la première, ce type de séquence se répétera d'ailleurs trop souvent dans les films suivants. L'attaque du repaire de Blofeld est également bien maîtrisée, tout comme la poursuite en bobsleigh, au montage cut ; toutes ces scènes ont été tournées en Suisse. Le résultat final est donc un film réussi, sobre, à la fois intimiste et mouvementé, avec une superbe Diana Rigg dans le rôle de Tracy, et aussi une autre Steed girl, Joanna Lumley qui occupe un troisième rôle parmi le bataillon de filles chez Blofeld. Je signale enfin la musique de John Barry qui est aussi excellente, c'est l'une de mes préférées dans les Bond.
Bon, tout ça donne finalement un bon résultat, à la fin du tournage, on propose à Lazenby de rempiler, mais ce fou décline et préfère vivre sa vie... le film n'est donc pas le plus mauvais de la franchise, mais ce n'est pas le meilleur non plus, il est réussi, agréable et offre ce qu'on attend d'un Bond, moi ça me suffit (13ème dans mon Top Bondien) !

Créée

le 20 févr. 2018

Critique lue 705 fois

28 j'aime

13 commentaires

Ugly

Écrit par

Critique lue 705 fois

28
13

D'autres avis sur Au service secret de Sa Majesté

Au service secret de Sa Majesté
guyness
8

Les archives James Bond, dossier 6: "Ça ne serait pas arrivé à l'autre type"

Quotient James Bondien: 7,5
 (décomposé comme suit:)   BO: 10/10 
Rubrique redondante (voir dossiers n°2, 3, 4 et 5): John Barry est au somment de son art depuis au moins cinq bandes originales,...

le 4 mars 2011

53 j'aime

18

Au service secret de Sa Majesté
Pruneau
8

Lord of the Rigg

Seul James Bond avec une histoire d'amour, seul James Bond sans happy end, seul James Bond avec George Lazenby. Les scènes de début et de fin, passages obligés du genre, sont les plus belles de la...

le 1 août 2011

48 j'aime

58

Au service secret de Sa Majesté
Libellool
9

Romance tragique

Injustement maudit et dédaigné par les fans de la franchise, ce sixième opus possède pourtant tous les ingrédients pour en faire un film mémorable. Sauf que ceux-ci sont différemment dosés par...

le 27 déc. 2013

38 j'aime

10

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Ugly
10

Le western opéra

Les premiers westerns de Sergio Leone furent accueillis avec dédain par la critique, qualifiés de "spaghetti" par les Américains, et le pire c'est qu'ils se révélèrent des triomphes commerciaux...

Par

le 6 avr. 2018

121 j'aime

96

Le Bon, la Brute et le Truand
Ugly
10

"Quand on tire, on raconte pas sa vie"

Grand fan de westerns, j'aime autant le western US et le western spaghetti de Sergio Leone surtout, et celui-ci me tient particulièrement à coeur. Dernier opus de la trilogie des "dollars", c'est...

Par

le 10 juin 2016

95 j'aime

59

Gladiator
Ugly
9

La Rome antique ressuscitée avec brio

On croyait le péplum enterré et désuet, voici l'éblouissante preuve du contraire avec un Ridley Scott inspiré qui renouvelle un genre ayant eu de beaux jours à Hollywood dans le passé. Il utilise les...

Par

le 4 déc. 2016

95 j'aime

45