Avalon
6.5
Avalon

Film de Mamoru Oshii (2001)

Compliqué d'écrire une critique construite sur Avalon, le film est une mine d'idées, de références et d’interprétations assez folles, donc vouloir atteindre la vérité absolue sur le sujet serait forcément assez prétentieux pour ne pas dire irrévérencieux. Non je n'aurais bien sûr pas cette prétention et tout ce que je vais avancer vient essentiellement de ma propre expérience et de mon interprétation générale.


Avant toute chose il me semble intéressant de prendre en considération Oshii lui même, son rapport au réel et sa vision ultra désenchantée du monde.
En effet faut savoir que le bonhomme est quand même plus attaché à son chien qu'à n'importe quel homme.
Ce qui est franchement troublant dans son oeuvre c'est qu'il semble toujours avoir un discours très politisé et engagé du fait de ses différentes expériences étudiantes et de jeunesse en général ( coucou Jin-Roh ) , mais pour autant il semble toujours prendre un recul et une distance vis à vis du sujet qu'il traite, comme pour donner le choix au spectateur de faire ses propres hypothèses et d'en tirer ses propres conclusions.


Dans Avalon deux choix m'interpellent tout particulièrement, tout d'abord bien sûr le choix du jeu vidéo et de la réalité virtuelle comme support. Si bien sûr ce choix nous pousse à nous poser des questions sur le réel et la vision que l'on s'en fait ( j'y reviendrai ), il me semble que l'on peut y trouver d'autres pistes de par le traitement que le film en fait. Déjà autant le jeu que le monde réel tout est présenté comme dans un jeu vidéo, la ville où vit Ash apparaît comme totalement soumise à une linéarité et à des codes propres aux jeux-vidéo, tout suit une même logique, une même ligne de code, c'est appuyé par la répétition des scènes, les passages en tram où les passagers de ne sont ni plus ni moins que des PNJ. L'esthétique générale et la mise en scène le mettent également en valeur.
Et là Oshii soulève un truc qui pour moi va au delà de la simple illustration d'un jeu vidéo, il se sert de ces codes pour poser la question du libre arbitre. Le choix de tourner son film en Pologne, en polonais va totalement dans ce sens, énormément de points du film renvoient à la Pologne communiste, les tickets de rationnement, l'intro avec les chars, la ville terne, désenchantée qui rappelle ce même régime communiste où bien entendu la question du libre arbitre ne se pose pas. Oshii nous fait donc une analogie entre le jeu vidéo et ses codes et le totalitarisme avec la négation totale du libre arbitre qui en ressort, tout cela dans un contexte de réalité virtuelle où réalité et virtuel se confondent. Balaise.


Pour ce qui est du traitement de la réalité virtuelle, c'est sans doute le plus grand mystère du film tant les interprétations sont nombreuses mais pour moi du moins ce que j'en ai compris, il n'y a pas de réalité ou du moins réalité et fiction se confondent et se mélangent au fur et à mesure qu'Ash peine à distinguer les deux. L'illustration de cette confusion apparaît dans le passage clé où Ash prépare à manger à son chien, chien qui est son seul lien avec le réel. Dans un premier temps elle entre dans son appartement et l'on entend les aboiements du chien sans le voir puis Ash se met à préparer à manger ( nourriture qui peut d'ailleurs également représenter un lien au réel, en effet dans un jeu on ne mange pas ) lorsqu'elle termine, plan d'ensemble sur l'appartement, il n'y a pas de chien. A partir de là on n'a plus aucune notion de ce qui est réel et de ce qui ne l'est pas, la classe réelle vient appuyer cette perte de repère, le discours de Murphy va d'ailleurs dans ce sens pour faire simple, la réalité pourrait s'apparenter à ce que l'on perçoit comme réel et non comme une vérité absolue. Dans une société où le virtuel prend une place de plus en plus importante le propos parait terriblement dans l'air du temps.


Pour ce qui est du rapport qu'a le film aux légendes Arthuriennes c'est je dois l'avouer le point qui pour l'instant me turlupine le plus et si j'ai quelques pistes je ne me lancerai pour l'instant pas dans une tentative d'analyse car elle serait sans doute plus fausse qu'autre chose.
Formellement parlant le film est magnifique et la mise en scène ultra-esthétisante accompagne le propos du film. Le fait que les acteurs soit surjouent, soit jouent très peu, renforce la perte de repère au réel. Par exemple lors du face à face entre Murphy et Ash, d'une part Murphy surjoue totalement ce qui qui donne l'impression qu'il suit une ligne de script préétablie ( chose qui casse complètement l'aspect si réel qu'avait jusqu'à présent la "classe réelle" ) d'autre part le duel qui oppose les deux personnages parait totalement injustifié et limite burlesque comme si l'action était destinée à être appliquée sans autre explication notable.


Les OST de Kenji Kawai sont grandioses et collent à toutes les situations, franchement plus j'en écoute plus il se présente pour moi comme un des meilleurs compositeurs japonais de la dernière décennie.


Donc voilà c'était quelques pistes d'analyses sur ce film que j'ai beaucoup apprécié de par son traitement du sujet peu commun.
Si le côté gros film d'auteur peu rebuter il n'en reste pas moins que niveau traitement de ce sujet là en particulier ça reste un des plus aboutis avec ExistenZ de Cronenberg.

zeodrake
8
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le 15 mai 2016

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zeodrake

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