Presque 12 ans nous séparent de Titanic. Une attente terriblement longue. Pas parce que le très universel Titanic était le film du siècle, non évidemment, mais parce que James Cameron, son réalisateur, était l'un des grand visionnaire du cinéma des années 80/90. Un cinéaste complet et talentueux qui avait offert à la science-fiction sur grand écran quelques uns de ses plus grands moments (Terminator 1& 2, Aliens et Abyss excusez du peu). En devenant le réalisateur du film ayant rapporté le plus d'argent de l'histoire du Cinéma il est devenu le King of the World . Loin de profiter de ce statut il a préféré s'atteler à sa passion pour l'exploration, surtout sous-marine, et laisser mûrir ses projets cinématographiques. 12 ans de recul donc, de maturation et de travail qui aboutissent aujourd'hui à Avatar, un nouveau film de science-fiction et un nouveau record de budget (on parle de 500 millions de dollars). James Cameron semble donc revenir égal à lui même mais 12 ans est ce le temps nécessaire pour mûrir ou bien le temps nécessaire pour faner ?


-Les yeux dans les bleus


Ca n'a échappé à personne Avatar est un film faisant la part belle (dans ce cas précis on pourra même dire exclusive) aux effets spéciaux. Pour concrétiser cette exploration d'une planète lointaine et luxuriante le cinéaste Canadien à fait naître la jungle d'une tablette graphique. Ainsi on oscille entre le vraiment bluffant et le juste bon, d'une séquence à l'autre on se demande si ce ne sont pas des acteurs grimés et la séquence juste après on n'a absolument aucun doute tant ça fait peu naturel. On est malgré tout dans le haut du panier, largement même, mais tant d'effets demande énormément d'argent et on voit bien que certains détails ont été un peu sacrifiés et semblent moins naturel, moins vivants et donc assez vite faux.
Les limites du "tout numérique" se font encore sentir, pas gênant mais présent. Cependant on pourra souligner que le film apporte enfin une réponse viable au plus gros soucis des être générés par ordinateur habituellement visibles au cinéma: les yeux et surtout le regard.
En effet il est assez impressionnant de voir que les Na'avis (Les autochtones qui peuplent Pandora, la planète où se déroule l'action du film) n'ont pas cet habituel regard vide des créatures de synthèse. En cela Avatar marque une évolution certaine dans l'utilisation du numérique au cinéma.


L'univers du film est bien cohérent même si le design de certains trucs n'aide vraiment pas. On adhère ou pas mais rien que les Na'avis c'est assez particuliers : tête d'homme chat, corps de Jane Birkin, bras d'orang-outang et queue qui fusionne avec tout ce qui passe. Admettons, mais il y a des créatures dignes des pires bad trip de Tetsuya Nomura (mention spéciale aux chevaux à 6 pattes qui ressemblent vraiment à rien) qui frôlent de trop prêt le ridicule pour ne pas interpeller. Là encore la direction artistique est tellement "particulière" qu'on a bien du mal à adhérer à ce que l'on voit.
En revanche les décors sont vraiment beaux et on est souvent frappé par la richesse de la flore et de la faune de Pandora. Richesse qui n'est pas là que pour faire jolie puisque la nature de Pandora est au coeur même du récit et de sa crédibilité matérielle dépendait la pertinence du message. On trouve là un paradoxe certain puisque le film cherche a nous faire prendre conscience d'une nature luxuriante, vivante, bafouée en ne montrant pas une seule véritable plante verte... Un peu comme si le spectacle de la Nature n'était pas suffisant, comme s'il fallait l'amplifier, le dérober, comme si la transposition de la Nature à travers une caméra n'était pas une mise en valeur suffisamment puissante. Remplacer un chêne centenaire par un arbre fluorescent de 90 mètre de haut pour être certain que l'audience comprenne ? Suis-je en train d'accuser James Cameron de facilité ? J'aurai aimer répondre non et même si ces dernières phrases suivent un raisonnement volontairement capilo-tracté elles permettent de mieux introduire le mal qui ronge Avatar...


-Trois couleurs: Bleu


Le vrai soucis c'est que le film repose uniquement sur sa prouesse technologique, prouesse certainement amenée à vieillir et peut être plus vite qu'on ne le croit. Car à côté le film propose un scénario prévisible, sans originalité ni audace (Pocahontas avec des indiens bleus au lieu d'être rouges et de colons en méchas au lieu d'être à cheval) mais qui se permet en plus d'être troué (Sully épargner sans conditions par les na'vis lors de leur première rencontre, Michelle Rodriguez qui désobei à un ordre en pleine manoeuvre sous les ordres d'un colonel que l'on sait psycho-rigide mais qui n'en subira aucune conséquences, la rivalité entre Sully et l'aspirant chef de la tribut complètement passé à la trappe, etc...). Des errances d'écritures manifestes qui plombent toute l'entreprise. Je m'attendais à ce que ça soit simple (ce qui n'est pas un défaut en soit) mais là c'est vraiment simpliste, voir carrément grossier.


Le film offre une galerie de personnages complètements transparents... C'est sans doute là où le bas blesse le plus: il y a juste zéro degré de psychologie et zéro degré d'attachement dans ces personnages n'ayant pas reçu un soin suffisant pour s'extirper de son archétype initial. Du premier rôle jusqu'au personnage le plus anecdotique ils n'ont strictement aucune épaisseur et donc aucun intérêt, ils sont oubliés aussi tôt que l'on change de scène. La position de Sully comme indic' pour les mercenaires complètement zappée: on le voit au début puis il fait le niais pendant une heure et demi sans aucun contre-poids puis on se rappelle qu'en fait il devait faire la balance, on ne voit JAMAIS le doute s'installer en lui, le personnage est sur ses rails comme si pour lui devenir un extra-terrestre au mépris de sa race était un acte totalement naturel. Ce qu'il lui arrive est hors du commun mais lui ça ne lui pose pas de problèmes, aucun cas de conscience, tout juste deux lignes de dialogues lancées en l'air et aussitôt balayées par le vent... A côté on a un vilain colonel qui est vilain parce qu'il est vilain (bon il est drôle et rappelle vachement Sarge de Quake 3, aussi bien dans le ton que dans la profondeur psychologique), une doctoresse un peu vacharde mais qui est trop gentille dans le fond(ah ok t'as essayé de nous trahir ? ouais bon normal quoi. On passe à la suite maintenant ?) ou une pilote d'hélico à tendance lesbienne qui fait la girouette sans aucune raison mais il faut bien quelqu'un pour débloquer le scénario sinon il n'y a plus de film.
Un comble pour un homme habitué aux personnages forts. Un comble surtout pour un homme qui savait écrire des personnages féminin mémorables dans des univers et des films destinés aux hommes (Sarah Connor que personne n'a oublié, sa vision amazone de Ripley, Kate Winslet/ dans Titanic, Mary Elizabeth Mastrantonio qui tient tête à Ed Harris dans Abyss). Là, au mieux, on a un jolie faire-valoir pour le héros du film.
Truc assez révélateur quand je suis sortis de la salle: en dehors de Sully et Grace j'étais incapable de citer le noms des autres personnages...
Dommage Cameron a confondu naïveté et paresse et a simplement oublié d'écrire son film.


-J'suis pas une bleue!


Cependant le film est sauvé par une mise en scène vraiment réussie. James Cameron n'a rien perdu de son sens du cadre et nous sert des plans à la composition exemplaire s'appuyant sur une lumière agréable signée Mauro Fiore. Si le rythme pâtit énormément du vide abyssal du script (on se fait un peu chier en milieu de film, il faut bien le dire) le montage reste tout à fait correct et déploie toute sa précision et son efficacité lors du déluge d'action final. Une séquence saisissante en forme de feu d'artifice qui nous rappelle à quel point Michael Bay et tous ces petits camarades sont des tanches anémiques et incompétentes. Malgré un découpage parfois trop caricatural (ho la jolie séquence ralentie en montage alternée qui montre tous les copains du héros se faire débouter pour augmenter la détresse de la situation avant le prévisible basculement de situation final) on trouve quand même une gestion de l'espace remarquable, surtout pour une baston se déroulant aussi bien à la verticale qu'à l'horizontale. La caméra virevolte sans jamais sacrifier la lisibilité et sait toujours offrir le point de vue le plus intéressant sur l'action. Ajoutons à cela un duel final qui déboîte bien comme il faut. Des moments que seul un vrai cinéaste comme Cameron peut offrir, pas forcément les séquences les plus marquantes ou les plus inspirées du maître mais c'est nettement mieux que ce qu'offre la majorité des blockbusters actuel.


-Requiem pour un bleu


Avatar n'est donc qu'un divertissement familial correct, rien de plus. Un film lisse, caricatural et un peu chiant. Le film parfait pour emmener toute la famille au cinéma lors des fêtes de Noël mais ça s'arrête là. Qu'on ne s'y trompe pas, Avatar se suit sans trop de déplaisir mais en étant spectaculaire sans jamais être passionnant il n'a pas l'étoffe des grands films mémorables. De loin on nous promettait un spectacle monumental et révolutionnaire mais de prêt on a du sous-Miyazaki sans âme. James Cameron a construit un Taj Mahal splendide mais dans lequel il a oublié de mettre le corps de la bien aimée qui lui donner du sens.


Pour finir il est amusant de réfléchir à la symbolique du film en lui même. Je ne parle pas du message ou des enjeux du film que de toute façon on cerne en 10 minutes, mais de ce qu'il représente: Un homme (un acteur) délaisse son monde natal (le cinéma classique) pour explorer un nouveau monde plein de promesses (le cinéma de demain) en utilisant un substitut de vie (la performance capture) pour se glisser parmi la population autochtone (les êtres de pixel) de ce nouveau monde. Il finit par aimer les autochtones (les êtres de pixel) plus que ses congénères (les acteurs) et se retourne contre les siens pour les chasser du monde féérique (le cinéma de demain) et choisi ainsi d'oublier sa condition (acteur) pour devenir un autochtone (un être de pixel).
Une métaphore qu'il est impossible de ne pas faire tant le film s'est voulu la révolution du cinéma, impossible de dire si Cameron y a songé à ce point et si, ainsi, il fait un gros doigt d'honneur au reste de la profession ou si, comme ça arrive, son oeuvre lui a un peu échappée. Mais cet angle de réflexion est sans doute bien plus intéressant que le bête film en lui même.
La déception de l'année 2009, indéniablement.

Vnr-Herzog
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le 18 mai 2010

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