le 20 déc. 2022
épisode filler
Je suis, moi aussi, allé communier à la grand-messe du cinéma et je me dis que c'est pas possible... Il faut interdire James Cameron d'approcher de près ou de loin d'un outil scripteur (quel qu'il...
Application SensCritique : Une semaine après sa sortie, on fait le point ici.
D’accord, commençons par l’évidence. Visuellement, le film est une réussite éclatante : c’est beau, c’est propre, c’est impeccable techniquement (j’y reviendrai). On en prend plein les yeux : l’animation, les textures, la fluidité des mouvements, la finesse des expressions… Tout est splendide. Mais malgré cette perfection formelle, l’ennui s’installe très vite. On se retrouve devant une œuvre étonnamment plate. Et je vais tenter d’expliquer pourquoi.
Le démarrage, par exemple, va à toute allure. Ironique, quand on pense que le film dure plus de trois heures. Jake expédie une narration en voix off pour résumer les événements depuis le premier opus : il a fondé une famille, les humains reviennent, et hop, on passe à autre chose. Tout est raconté en accéléré, sans laisser le spectateur s’impliquer émotionnellement, alors que c’est censé être crucial. La mise en scène de Cameron, étonnamment neutre, n’accorde aucun poids à la cellule familiale de Jake. L’arrivée des humains ? Un cataclysme montré en dix plans avant d’être balayé. C’est traité comme un simple fait divers. Quant à la 3D, censée être l’un des atouts majeurs, elle est quasiment absente. Pas un souvenir d’un effet marquant.
Certaines décisions scénaristiques frisent l’absurde. Jake fuit sa tribu après une simple menace de Quaritch, abandonnant ce pour quoi il s’était battu dans le premier film. Sérieusement ? On aurait attendu une vraie tragédie comme déclencheur. Quaritch, lui, enlève des enfants, relâchés aussitôt, et hop, la tension disparaît. Le “grand méchant” apprend d’ailleurs après coup que Jake est parti, alors qu’il aurait pu raser sa tribu sans problème. Et puis cette pirouette scénaristique pour le mettre sur la bonne piste… On frôle la paresse. La tribu aquatique, quant à elle, disparaît mystérieusement lors du combat final : une charge, puis rideau.
Même la motivation de Quaritch laisse perplexe. Le type est ressuscité dans un corps d’avatar pour accomplir… une vendetta personnelle. Des millions investis juste pour éliminer un seul homme. Dans le premier film, au moins, les antagonistes avaient un objectif clair : exploiter une ressource, métaphore transparente de l’impérialisme. Ici, on est loin du compte. Le retour de Quaritch est d’ailleurs expliqué par une sauvegarde de sa mémoire, et basta. Alors pourquoi ne pas avoir fait la même chose avec Grace Augustine, scientifique de génie ?
On mesure à quel point il est difficile de prolonger l’univers d’Avatar avec une suite ambitieuse. Cameron avait brillamment relevé le défi avec Terminator 2, mais cette fois, ça coince. Le récit ne propose rien de neuf : toujours les colonisateurs avides, toujours un message écolo un peu claqué (avec des baleines, cette fois), toujours une intégration forcée dans une tribu locale… On a l’impression d’un remake aquatique du premier film. Le décor change, pas la structure. Et contrairement à Pandora dans le premier, l’univers marin ne paraît pas essentiel : Jake et Neytiri n’y apprennent pas grand-chose. Tout profite surtout aux enfants, sans réelle retombée narrative. La séquence d’“exploration sous-marine” qui dure près d’une heure relève plus du documentaire touristique que de l’avancée dramatique. Oui, Cameron adore l’océan, on l’a bien compris.
Pire : le film semble volontairement laisser des intrigues en suspens pour préparer des suites, au détriment de la satisfaction immédiate. Comme ce mystère autour le père de Kiri, ou le personnage de Ronal, calqué sur la cheffe spirituelle du premier film, mais sans évolution notable. Son hostilité envers Neytiri ne débouche sur rien. Même constat côté musique : bande-son quelconque, parfois recyclée du premier opus. Les clins d’œil (mêmes plans d’ouverture et de clôture, même méchant ressuscité) donnent l’impression que l’univers rétrécit au lieu de s’élargir.
L’intrigue personnelle de Jake est elle aussi bien moins prenante que dans le premier. Là où il passait d’un soldat désabusé à un défenseur des Na’vis, il se contente ici de protéger sa famille. C’est sympathique mais abstrait. La menace paraît aussi plus réduite : fini les bombardiers et le génocide, on a Quaritch qui tue un poisson et un climax sur un bateau en train de couler (Titanic, ça vous rappelle quelque chose ?).
Même la technologie déçoit. La HFR (haute fréquence d’image) est une catastrophe. Autant Gemini Man utilisait le procédé avec cohérence, autant ici, ça change de cadence d’un plan à l’autre. Résultat : un rendu hétérogène, parfois saccadé, qui donne l’impression de voir des séquences issues de films différents. On dirait un jeu vidéo mal réglé.
Heureusement, il reste Quaritch, véritable moteur narratif. Ses motivations sont simples et claires : il veut sa revanche. Mais ce qui le rend passionnant, c’est sa relation avec son fils, né de son corps d’humain. Le rejet, la haine, l’attachement paradoxal… ça, c’est fort. Quaritch est le seul à avoir un parcours, aussi simple soit il. Le voir affronter son propre héritage, jusqu’à détruire littéralement son crâne, offre une intensité qui manque cruellement au reste du récit. C'est peut-être cette image qui résume le mieux le film. Quaritch détruit l'humain du premier film, au profit de son double numérique. Cameron a repris son premier film, pour en faire un avatar plus gros, plus clinquant, plus fort, mais dénué de vie.
Bref. Treize ans d’attente pour trois heures d’images splendides mais creuses. On a la sensation que Cameron n’attendait que le moment où la technologie serait assez aboutie pour filmer son fantasme aquatique. Techniquement irréprochable, oui. Mais sur le plan narratif ? Un grand vide.
Créée
le 20 déc. 2022
Modifiée
le 2 sept. 2025
Critique lue 1.9K fois
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