SensCritique a changé. On vous dit tout ici.

Les silences de l’Histoire, le fracas des images

Voici un film sorti en 2021 et retombé dans l'actualité comme un cheveu sur la soupe... Disons qu'il est difficile, dans le cadre de la propagande de guerre en Ukraine, de rappeler la complexité de l'histoire de ce pays. Avec l'occupation par les Nazis pendant la Seconde guerre mondial, des dizaines de milliers de Juifs ont été massacré en Ukraine (pas seulement à Babi Yar). Les Nazis avaient été acceuillis avec des fleurs et bien soutenus par les nationalites ukrainiens de l'époque... une autre époque, certes, mais à trop convoquer l'histoire, parfois, elle se retourne contre ceux qui veulent l'instrumentaliser. Le film en évite tous les pièges et traverse le temps grâce à un parti pris cinématographique très puissant : au lieu d'essayer de nous séduire en colorant des images et dramatisant par une musique tonitruante et des commentaires bien sentis, Sergei Loznitsa (cinéaste ukrainien) a choisi de sonoriser les archives d'une façon ultra-réaliste avec des sons "directs" (un gros travail de recherche, de syncronisation et de mixage). L'effet est terrible. On est en 1941 et on vit les situations comme aucun sujet de télévision d'aujourd'hui n'est capable de nous les faire vivre. La distance du fim d'archive est abolie, libre au spectateur de lire les images en détails et d'y voir ce qu'il y a à voir s'il est attentif. Le montage est chronologique mais d'une habilité déconcertante, notamment quand les Nazis entrent dans Kiev puis quand les Russes reprennent la ville, avec un acceuil toujours aussi chaleureux, dans un cas comme dans l'autre. L'image manquante, c'est le massacre de Babi Yar. Les Nazis ont voulu effacer le crime mais la force des photos des habits abandonnés et les témoignages filmés au procès propulse du hors-champ toute sa violence. Puis vient le temps de la pendaison des boureaux et là, tout est montré jusqu'à l'obscènité d'une foule, filmée en plan d'ensemble mais dont le mouvement et l'acclamation nous glace au milieu de ces corps qui se balancent au bout d'une corde. Un film puissant qui ne se digère pas comme on engloutit un sujet de BFM.

à voir sur cinemutins.com

CineMutins
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 10 nov. 2025

Critique lue 1 fois

CineMutins

Écrit par

Critique lue 1 fois

D'autres avis sur Babi Yar. Contexte

Babi Yar. Contexte

Babi Yar. Contexte

le 22 sept. 2022

Le devoir de mémoire

Un miroir contemporain assez horrifique de la situation qui prévaut aujourd'hui en Ukraine, ou quelle que soit la propagande qui sevisse l'anéantissement résulte du même processus concentrationnaire...

Babi Yar. Contexte

Babi Yar. Contexte

le 11 sept. 2022

Requiem pour un massacre....

BABI YAR. CONTEXTE (Sergei Loznitsa, UKR, 2021, 120min) : Remarquable et édifiant documentaire où le hors-champ met en lumière l'horreur innommable du massacre de 33771 juifs, perpétré en septembre...

Babi Yar. Contexte

Babi Yar. Contexte

le 11 sept. 2022

33 771 assassinats

Le massacre de Babi Yar est le plus important de la Shoah ukrainienne par balles, mené par les Einsatzgruppen en URSS : 33 771 Juifs furent assassinés par les nazis et leurs collaborateurs locaux...

Du même critique

L'Île rouge

L'Île rouge

le 12 oct. 2025

Le presque rien qui fait tout

Magnifiquement cinématographique, subtilement politique. Un film plein de finesse et de sensibilité servi par un casting impeccable et une mise en scène réjouissante qui nous tient avec un semblant...

Sympathie pour le diable

Sympathie pour le diable

le 6 oct. 2025

Rouler sur Sniper Alley, aimer sous les bombes, mourir de ne rien pouvoir faire

Dès le premier plan, nous voilà propulsé dans le siège de Sarajevo dans une mise en scène quasi documentaire, cadrée en 4/3. Ambiance très vite tendue par les déplacements en Ford Sierra, au pot...

Le fond de l'air est rouge

Le fond de l'air est rouge

le 6 oct. 2025

Un film qui continue de penser à notre place

Toute personne qui milite pour un monde meilleur devrait voir ce film. Rarement un film politique a traversé le temps avec autant de force car, quelque fut l’époque à laquelle on l’a vu, on le revoit...