(Toutes mes excuses pour ce slogan très pompidolien.)


La première chose qui frappe dans ce quatrième volet de la saga Baby Cart, c'est la capacité de Buichi Saitô à prolonger le travail que Kenji Misumi avait accumulé tout au long des trois épisodes précédents. Loin de moi l'idée d'affirmer qu'il n'y a pas de différence de style et d'enjeux entre les deux, loin s'en faut, mais il faut reconnaître qu'au-delà des expérimentations et autres tentatives propres à la nouvelle recrue, une certaine cohérence d'ensemble subsiste malgré tout. Les codes de l'univers graphique sont particulièrement bien respectés.


Différence notable, et même principale à mes yeux : les séquences de combat. Finies les montées en tension qui précédaient lesdites tueries, expédiées en une fraction de seconde, celle qui suivait le moment où Ogami Itto dégainait son sabre. Place à des bastons plus conventionnelles, plus longues, plus chorégraphiées mais pas forcément plus efficaces : les éclairs de violence ont ici laissé place à des affrontements plus convenus. "L'Âme d'un père, le cœur d'un fils" reste clairement en-dessous de la plupart des chanbara (chanbaras ?) en termes de temps moyen des combats au sabre, mais la différence avec ce qui précédait dans la saga est évidente. Pas sûr que l'initiative soit payante. Ce volet insiste également plus sur la partie démembrement de la boucherie : un des antagonistes pourrait à ce titre symboliser l'origine de l'univers du sabreur manchot (popularisé par Chang Cheh), et une des séquences impliquant une troupe de ninjas-araignées se termine étonnamment en une sorte de film de zombies rampants et dégoulinants de sang. Ces partis pris-là sont plutôt bienvenus et participent d'une certaine façon au renouvellement de la série.


Mais le film gravite évidemment autour de son personnage féminin, Oyuki, une femme-assassin que Ogami Itto s'engage dans un premier temps à traquer et tuer. L'idée est particulièrement séduisante, car outre les avantages évidents d'un tel argument (je parle bien entendu des tatouages ensorceleurs qui ornent son corps à la peau diaphane), on peut y voir une sorte de double inattendu du protagoniste : un destin tragique, un maniement expert des armes, une vie à se venger, et un certain ostracisme subi. Difficile de se dire que les auteurs de "Lady Snowblood" l'année suivante et surtout ceux de "La Vie secrète de Madame Yoshino" en 1976, dans la même veine de série B mais un peu plus érotique, n'avaient pas en tête la figure vengeresse de Oyuki pour leurs propres personnages féminins et/ou tatoués.


Dans la continuité des volets précédents, il y a aussi la compréhension des codes du bushido qui semble garantir une certaine supériorité, que ce soit au niveau moral ou dans les combats. C'est ce qui causera la perte du personnage de Genbei, supérieur à Itto en termes physiques mais traînant inexorablement la culpabilité d'un sepukku sous-traité à un pauvre tiers. Ce passage, à l'instar de quelques autres centrés sur Itto et l'origine de son différend avec le clan Yagyu, sont relativement bien amenés à l'aide de flashbacks et s'intègrent bien au récit, à la différence des retours en arrière incessants et perturbants du premier volet. Dommage que Saitô ait laissé une place si importante à la voix off ou à quelques autres facilités narratives, car entre le personnage féminin d'Oyuki très attrayant (et à la poitrine hypnotisante, au sens littéral) et les premiers signes de faiblesse d'Ogami Itto au terme du massacre final, il n'avait pas fondamentalement à rougir face à l'œuvre jusqu'alors portée par Misumi.


[AB #167]

Morrinson
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top films 1972, Avis bruts ébruités, Cinéphilie obsessionnelle — 2016 et Mes chanbaras

Créée

le 12 déc. 2016

Critique lue 400 fois

9 j'aime

10 commentaires

Morrinson

Écrit par

Critique lue 400 fois

9
10

D'autres avis sur Baby Cart 4 : L'Âme d'un père, le cœur d'un fils

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

142 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

138 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11