À chaque volet de la saga Baby Cart sa bonne surprise, plus ou moins importante, plus ou moins stimulante.


Il faudrait essayer de se défaire de toutes les contingences personnelles et de toutes nos éventuelles prédispositions, bonnes ou mauvaises, pour comprendre comment une série de films peut parvenir à tant se renouveler sans pour autant changer radicalement le socle de ses bases d'épisode en épisode. Toujours la même trame, peu ou prou, toujours les mêmes expérimentations esthétiques, toujours les mêmes valeurs, et pourtant, quelques variations suffisent à relancer l'intérêt pour un nouvel élément. Ici, les premiers combats arrivent très vite, non pas pour nuire à Ogami Ittō comme on aurait tôt fait de le penser, mais pour tester ses capacités et éventuellement solliciter son aide dans une nouvelle affaire, dévoilée petit à petit, à chaque nouveau combat et à chaque nouvelle mort.


Évidemment ici, Misumi revient à la réalisation là où Buichi Saitô l'avait honorablement laissée, le temps du quatrième volet, et les différences de traitement alimentent naturellement un certain renouveau. Mais les ingrédients sont toujours les mêmes : des combats aussi succincts que gores, les codes du bushido à l'honneur chez Ogami Ittō ainsi que chez son fils Daigoro (ici véritablement pour la première fois de la série), et surtout une mise en scène qui carbure aux trouvailles visuelles jubilatoires, qui plus est à un rythme effréné. La photographie est toujours aussi travaillée (et c'est sidérant pour une production d'une telle envergure) mais c'est sans doute dans le découpage de ses cadres que "Le Territoire des démons" innove le plus à l'échelle de la saga.


Il n'y a qu'à voir la scène dans laquelle Ittō rencontre Jikei : le nombre de points de vue différents pour filmer cette bien étrange confrontation est tout simplement hallucinant. Même remarque pour le combat / massacre final dans le château du daimyō, même si du strict point de vue de la composition des plans, le découpage et son impact sur l'atmosphère qui s'en dégage sont moins impressionnants. Il faut sans doute chercher du côté des associations improbables pour trouver les raisons d'une possible appréciation (et de son inverse) : des accès de violence balisant une relation père-fils pleine de tendresse, une probité à toute épreuve et les conséquences tragiques d'un telle droiture morale, l'apparente justice et les morts qui en jalonnent cependant le chemin, etc. Au milieu des geysers de sang et des clins d'œil qui précèdent les boucheries, entre un combat sous-marin filmé depuis la surface et une fessée donnée en place publique, l'ambivalence du protagoniste aux folies furieuses parfaitement contenues s'impose.


[AB #191]

Morrinson
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le 24 janv. 2017

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